Le président Mohammed Morsi, que l'opposition égyptienne qualifie de “nouveau pharaon", a reculé. Il a obligé son parti à annuler la manifestation de mardi pour éviter sa confrontation avec l'opposition libérale et laïque qui a réveillé la révolution sur l'emblématique place Tahrir et occupe les rues du Caire et des nombreuses villes qui ont fait le printemps du Nil et s'emploie à désamorcer la crise politico-judiciaire qu'il personnellement déclenchée en fin de semaine dernière par sa “déclaration constitutionnelle" visant à élargir ses prérogatives. Morsi a négocié avec des membres du Conseil supérieur de la magistrature, les hauts magistrats, dont l'indépendance est directement menacée par ce texte. Le président issu des Frères musulmans ne s'attendait pas à vrai dire à l'ampleur de la protestation contre ses velléités de s'arroger un pouvoir identique à celui de Moubarak chassé par la rue ni de son escalade. Auréolé de son “intronisation" sur la scène internationale pour avoir réussi à convaincre le Hamas palestinien à accepter la trêve aves Israël, Morsi pensait la route ouverte pour élargir son autorité à l'intérieur de son pays ! Morsi ne pensait pas faire face à ce déluge de manifestations si tôt, surtout qu'il était parvenu à se débarrasser des militaires en s'attribuant les prérogatives de leur ex-Conseil supérieur qui devait gérer l'exécutif, le législatif et le judiciaire jusqu'à la nouvelle Constitution rédigée par eux. Dans la matinée d'hier, des heurts ont à nouveau opposé des groupes de jeunes à la police près de la place Tahrir au Caire, où des militants se préparaient pour un grand rassemblement prévu dans l'après-midi et en soirée. Ces accrochages sporadiques, qui ont débuté la semaine dernière autour de la place, ont repris aux abords de l'ambassade américaine, avec des jets de pierres et des tirs de grenades lacrymogènes. Des militants anti-Morsi ont appelé à l'arrêt des heurts, de crainte qu'ils ne débordent sur le site de la manifestation. Sur la place Tahrir, un village de tentes est installé depuis vendredi pour protester contre le décret par lequel le président islamiste a, en particulier, mis ses décisions au-dessus de tout recours en justice, ce que l'opposition a dénoncé comme une dérive dictatoriale. De nouveaux heurts ont éclaté à Ismaïliya et Port-Saïd où des sièges locaux de l'organisation des Frères musulmans ont été saccagés et incendiés. Dimanche, on comptabilisait deux morts : un dans chaque camp. D. B