Malgré une contestation croissante, le président égyptien ne veut pas lâcher prise : il maintien les prérogatives qu'il s'est arrogées depuis jeudi dernier. Même son prédécesseur, Hosni Moubarak, chassé du pouvoir en février 2011 par la “Révolution du Nil", n'était pas allé jusque-là. Mohamed Morsi a accaparé tous les pouvoirs par un décret publié jeudi, le plaçant au-dessus de la loi. Au point où ses opposants l'ont taxé de nouveau pharaon. Après une rencontre avec la hiérarchie judiciaire lundi, le président a ainsi décidé de maintenir le décret controversé. Ses partisans de la ligue des Frères musulmans et d'autres partis islamistes soulignent que ces pouvoirs exceptionnels lui donneront les moyens d'engager des réformes indispensables pour la marche vers la démocratie et assurent qu'ils cesseront avec l'adoption, prévue en février, de la nouvelle Constitution. Mais en plaçant ses décisions à l'abri de tout recours en justice, Morsi a provoqué la colère d'une grande partie du monde judiciaire, de l'opposition libérale et démocratique et de tous les Egyptiens défavorables à un ordre islamiste : c'est environ la moitié de la population. Le décret empêche, par exemple, la justice d'examiner les recours contre le processus de rédaction de la Constitution, que ses adversaires estiment dominé par les islamistes. Et pour essayer de ratisser large, Morsi a également demandé de nouveaux jugements dans les affaires de meurtres de manifestants durant la révolte de 2011, faisant planer une menace sur des chefs de la sécurité, voire un nouveau procès pour Hosni Moubarak, un point qui répond à une demande de l'opposition et d'une grande partie de l'opinion. Mais ces derniers ne se sont pas laissé abuser : des dizaines de milliers d'Egyptiens se sont rassemblés mardi place Tahrir au Caire, la plus forte mobilisation hostile au président islamiste depuis son élection en juin. Hier, de nouveaux heurts ont éclaté au Caire entre manifestants et forces anti-émeute au lendemain d'une mobilisation populaire inédite contre le président islamiste Mohamed Morsi. La Haute cour constitutionnelle a jugé hier injustifiées les accusations de partialité du président égyptien Mohamed Morsi à son encontre alors que la Cour de cassation a annoncé la suspension de ses travaux jusqu'à ce qu'il retire son décret controversé. Si le président gagne le rapport de force face aux manifestations et à la réaction des magistrats, il maintiendra son décret et le peu qu'il restait de la Révolution du Nil aura définitivement disparu. Morsi, les Frères musulmans et les salafistes pourront alors faire passer leur Constitution, controversée aujourd'hui, puisque sa mouture actuelle, la charia deviendrait un texte de loi et plus seulement des valeurs générales. D. B.