Ce verdict ne manquera pas de susciter des commentaires et autres interrogations tant le décalage est disproportionné entre le réquisitoire du procureur et la sentence des juges. Après un procès qui aura duré un peu plus de dix heures, le verdict est tombé tard dans la soirée de mardi : le président de la Chambre de commerce et d'artisanat de la wilaya de Tébessa, Saâd Garboussi, ainsi que trois autres accusés poursuivis dans l'affaire les opposant aux ayants droit du défunt Abdelhaï Beliardouh, ancien correspondant d'El Watan à Tébessa, ont été acquittés par la chambre criminelle près le tribunal de Tébessa. Ce procès, qui ne manquerait pas de faire jaser, a été marqué notamment par l'absence des témoins à charge dont “quatre sont déterminants car ayant fourni des précisions au juge instructeur", a expliqué à Liberté, Me Soudani, avocat de la partie civile. Un des témoins présents a changé de version, a-t-il précisé. Quant aux témoins à décharge, ils étaient une dizaine. “Nous, en tant que partie civile, on s'est retrouvés sans témoin", a affirmé Me Soudani. Ont-ils peur ? Sont-ils menacés ? Mystère et boule de gomme. Zones d'ombre Face aux juges, les accusés ont essuyé d'un revers de la main les faits qui leur sont reprochés. “On a simplement cherché à apporter un démenti à ce qu'il a écrit et à ce qu'il nous aide à le faire paraître. On ne l'a pas enlevé, il est venu de son propre gré", ont déclaré ces accusés, selon notre source. “Mais ils n'ont pas nié l'avoir pris en voiture", a-t-elle ajouté. Selon l'arrêt de renvoi, les quatre accusés sont impliqués dans “l'enlèvement, la séquestration ainsi que des menaces de mort", en 2002, sur la personne de Abdelhaï Beliardouh, alors correspondant d'El Watan. Le défunt Abdelhaï Beliardouh a été enlevé dans la journée du 21 juillet 2002 à bord d'une voiture de marque Daewoo puis emmené dans un entrepôt de friperie appartenant au principal accusé Saâd Garboussi. Selon l'arrêt de renvoi, S. A. et ses trois accompagnateurs, Z. H., A. M. et R. M. ont séquestré leur victime pendant plusieurs heures et l'auraient battue afin de connaître le nom de la source du journaliste, lequel a été l'auteur d'un article paru la veille, soit le 20 juillet sur les colonnes d'El Watan, faisant état de “l'arrestation de Garboussi pour soutien au terrorisme". Une enquête sera immédiatement ouverte et Garboussi sera entendu ainsi que ses trois complices. Le 29 juillet, ils seront placés sous contrôle judiciaire par le juge d'instruction près le tribunal de Tébessa. Le 29 octobre de la même année, Beliardouh mettra fin à ses jours en ingurgitant de l'acide. D'après sa famille et ses proches, cités par la presse, les pressions qu'ils subissaient tous les jours ainsi que les humiliations dont il a fait l'objet durant son enlèvement devenaient insoutenables, ce qui l'aurait poussé au suicide. “Pour nous, les faits sont établis au regard des auditions des témoins à charge, malheureusement absents. Nous avons dit aux juges que la mort de Beliardouh était la conséquence de ce qu'il avait subi", affirme Me Soudani. “On a surtout développé le comportement prémédité et concerté des accusés", a-t-il-dit. “Nous avons également rappelé avoir demandé de sortir le dossier de Tébessa à la Cour suprême, mais en vain", a-t-il ajouté. “Nos craintes sont fondées", a-t-il commenté. Selon Me Soudani, un document d'un témoin a disparu ainsi que l'original du rapport de la police. “Est-ce qu'il n'y a pas une volonté de triturer le dossier ?", s'est-il interrogé. Quant au procureur qui a requis 10 ans de prison à l'encontre des accusés, il a expliqué “la grave atteinte à la liberté d'expression". Il a également soutenu que “les actes des accusés étaient prémédités". K. K./H. M.