Bouteflika concentre tous les pouvoirs entre ses mains. Résultat : le jeu institutionnel se trouve totalement bloqué. Un parti de la majorité est contraint de recourir aux manifestations de rue pour faire entendre sa voix ! Bouteflika, qui concentre tous les pouvoirs entre ses mains, a fini par bloquer les institutions et achevé ainsi le peu qui restait des règles de jeu démocratique. La majorité a basculé aujourd'hui dans l'opposition. Que reste-t-il alors à une Assemblée déjà discréditée par le rejet des dernières élections par la Kabylie ? Peu de chose, sinon rien. Déficitaire en terme de crédit, réduite à un rôle peu représentatif de ce qu'exige le sens du mandat que donnent les électeurs, les débats les plus importants n'y ont pas eu lieu, tant Bouteflika a souvent légiféré par ordonnance, la Chambre basse ressemble à un malade agonisant. Le FLN, le parti de la majorité, aurait pu retirer ses élus, il y a longtemps, au moment où le président de la République lui a déclaré la guerre. Mais, par souci de ne pas enfoncer le pays dans une crise institutionnelle à quelques mois d'une élection aussi décisive que la prochaine présidentielle, et pour des considérations de stratégie politique aussi, la formation de Ali Benflis a préféré faire le dos rond. Mais la réalité est là. Le jeu institutionnel, comme le dit le leader du RCD, Saïd Sadi, est “bloqué”. Le pouvoir législatif n'en est plus un depuis longtemps. Comme Bouteflika a eu à privilégier la justice de la nuit, il a préféré, aussi, légiférer dans les intersessions de l'Assemblée nationale, un droit constitutionnel dont il a démesurément abusé. Elu en solo en 1999, après le retrait des autres candidats en lice, Bouteflika, faisant fi des atouts que peut conférer un mandat populaire, ne s'était pas embarrassé par le boycott des dernières élections par la Kabylie. Preuve en est, l'organisation des élections partielles dans la région a largement dépassé les délais. Des dizaines de communes sont sans Assemblées élues depuis octobre 2002. Cela est lié, diriez-vous, à la crise de Kabylie. Le peu d'empressement du pouvoir à trouver une issue à cette dernière a déteint sur le règlement de ses incidences. Voilà en fait un autre indice qui montre que l'homme s'est bien accommodé de cette situation pendant près de trois années et qu'il cherche même, à quelques mois seulement de l'élection présidentielle, à mettre à son profit. Il faut rappeler également l'anathème qu'il a tenté de jeter sur les élus locaux à travers une campagne médiatique éhontée, notamment lors du séisme du 21 mai dernier. Ils ont été accusés d'incapacité à répondre aux besoins des populations sinistrées. Du coup, le peu de crédit dont ils jouissaient du fait qu'ils venaient juste de commencer leur mandat fut réduit. Outre les Assemblées élues, c'est l'institution judiciaire qui s'est trouvée mise à mal. Son indépendance et ses différentes réformes annoncées en grande pompe ne sont que chimère et diversion. Place en effet, à la justice de la nuit, à la justice aux ordres. L'affaire du FLN est un exemple édifiant de l'instrumentalisation du pouvoir judiciaire. Les différentes juridictions ont vécu un télescopage jamais connu dans les annales de la justice algérienne. Quelques semaines après l'arrêt du Conseil d'Etat, qui a prononcé, de manière claire, l'incompétence des juridictions administratives à traiter les litiges internes aux partis politiques, la chambre administrative de la cour d'Alger, non seulement procède au traitement de l'affaire en question, mais prononce aussi un jugement qui ne devait, dans la logique des choses, contredire en aucun cas l'arrêt du Conseil d'Etat conformément aux dispositions constitutionnelles. Voilà une pratique inédite du droit. Bouteflika s'est arrogé les pleins pouvoirs, même ceux qui ne lui reviennent pas. Du coup, des pans entiers de l'édifice institutionnel sont bloqués avec le risque fort d'aller droit vers l'impasse. La remise en cause du pluralisme politique, avec le précédent FLN, ne peut laisser personne indifférent. S. R.