Les mesures de “facilitation bancaire" promises par le gouvernement sont désormais connues. Fidèle à son image de gestionnaire pragmatique, Abdemalek Sellal avait affirmé à l'occasion de la Tripartite de novembre dernier que “les tracasseries rencontrées par les citoyens qui veulent déposer leur argent dans les banques ou ceux, particuliers ou entreprises, qui veulent en emprunter, doivent absolument disparaître". Le Premier ministre avait également, dans des termes qui ont retenu l'attention, demandé à la Banque d'Algérie de s'en occuper “immédiatement". Il n'est pas question de sous-estimer ou de traiter par la dérision le train de mesures annoncé par l'Exécutif : faciliter l'ouverture de comptes bancaires au profit des particuliers et des entreprises et alléger les démarches administratives sont bien sûr des mesures qui vont dans le bon sens, d'autant plus qu'elles sont accompagnées de décisions concernant l'encouragement fiscal d'une activité comme le leasing (voir notre article du 12 décembre) et l'investissement des PME. Les représentants du patronat ne s'y trompent pas et M. Réda Hamiani, embrayant sur les mesures annoncées par le gouvernement, soulignait voici quelques jours le handicap constitué par “les délais de traitement des dossiers de crédits qui peuvent couramment atteindre une année". Le président du FCE plaide en faveur d'une plus grande “décentralisation de la décision bancaire" ainsi que la création de “services spécialisés au niveau des banques pour analyser les projets et les secteurs en termes de rentabilité". Pour la plupart des spécialistes du secteur financier algérien, la récente circulaire du Premier ministre ne suffira malheureusement pas pour booster l'investissement des entreprises ni même favoriser l'“inclusion financière des ménages" évoquée par le gouverneur de la Banque d'Algérie. En dépit de la publicité qui les entourent et des échos médiatiques favorables, ces annonces se situent dans le droit fil d'une “réforme bancaire et financière" qui tourne au ralenti depuis près d'une décennie. Elles en appelle beaucoup d'autres, d'une toute autre dimension, si on souhaite combler les retards considérables accusés par le système financier national. Agences bancaires : sous-bancarisation et autorisation préalable À quel niveau se situent les retards les plus importants ? Quelles sont les pistes qui permettraient de commencer à les combler ? La mesure sans doute la plus simple qui permettrait de rattraper rapidement un retard important consisterait comme le propose le FCE, à la suite de nombreux acteurs et observateurs, de lever “la contrainte de l'autorisation formelle préalable instaurée par la Banque d'Algérie à la mise en service de toute nouvelle agence" et de remplacer cette autorisation par “un contrôle a posteriori". L'Algérie reste aujourd'hui un pays sous-bancarisé avec une agence pour 25 000 habitants quand la Tunisie en compte une pour 9 000 habitants. Au rythme évoqué par le nouveau délégué général de l'Abef, Abderrrezak Trabelsi, de 70 agences ouvertes encore l'année dernière, un rythme de “croisière" qui semble donner satisfaction à la Banque d'Algérie, il faudra 20 ans pour doubler le nombre d'agences actuel. À quand des banques privées à capitaux algériens? Une deuxième mesure serait techniquement simple mais idéologiquement compliquée. Elle renvoie au handicap que constitue pour le système bancaire national, l'interdiction qui ne dit pas son nom de la création de banques privées à capitaux algériens. Une situation dont il n'existe pas d'exemple au moins dans le Bassin méditerranéen et sans doute beaucoup plus loin. La mesure est simple sur le plan technique. Il suffit que la Banque d'Algérie donne son agrément à quelques-uns des dossiers déposés depuis de nombreuses années par des investisseurs algériens. Elle est idéologiquement plus compliquée, ainsi que le rappelle Réda Hamiani en faisant référence aux affaires Khalifa et BCIA : “Les pouvoirs publics doivent dépasser l'échec essuyé après les premières expériences qui n'ont pas été concluantes". Réforme en vue pour les Fonds de garantie des investissements Le gouvernement Sellal vient d'annoncer une augmentation des ressources ainsi qu'un redéploiement de la CGCI. Les fonds de garantie ont été créés et sont opérationnels depuis quelques années. Leur démarrage s'avère cependant laborieux et le nombre d'entreprises que compte leur portefeuille ne dépasse pas quelques centaines. Le plus important d'entre eux est la Caisse de garantie des crédits d'investissement aux PME(CGCI). Son directeur général est un ancien banquier, Ammar Daoudi, qui clame urbi et orbi que : “Les banques ne peuvent désormais plus refuser un bon projet pour absence ou insuffisance de garanties". À condition cependant, ajoute-t-il, que les banques commerciales prennent la bonne habitude d'intégrer ce nouveau dispositif dans leurs procédures d'octroi de crédits. Ce qui est loin d'être le cas pour le moment. Le décollage attendu en 2011 n'a pas eu lieu. Le niveau d'activité du fond est resté, selon le constat dressé récemment par M. Daoudi lui-même, identique à celui de 2010.La circulaire Sellal prévoit une augmentation des ressources, actuellement de l'ordre de 30 milliards de dinars, ainsi qu'un renforcement des structures régionales et des capacités d'analyse sectorielle de la CGCI. Capital investissement : changer d'échelle Dans la période la plus récente, le paysage du capital risque appelé capital investissement dans la terminologie nationale, s'est beaucoup enrichi. On a créé un Fonds national d'investissement (FNI) doté de 150 milliards de dinars. Les autorités financières algériennes ont exigé des banques publiques nationales qu'elles créent des filiales spécialisées dans le capital risque. On a également créé des Fonds d'investissement de wilaya dotés chacun d'un capital de 1 milliard de dinars. La lenteur remarquable qui caractérise ce processus et le niveau de ressources mises en œuvre semble cependant poser problème. Les ressources du FNI ont essentiellement été mises à la disposition du secteur public. La plupart des sociétés de capital risque créées sur injonction par les banques publiques ne sont pas encore opérationnelles et le bilan de l'activité des fonds régionaux est encore extrêmement maigre. Des résultats qui poussent le patronat mais aussi de nombreux spécialistes à réclamer le passage à une vitesse supérieure. L'un des principaux animateurs du patronat algérien, Nassim Kerdjoudj, préconise la création de banques d'investissement spécialisées en partenariat entre public et privé. Une suggestion qui fait suite à la très ambitieuse proposition du FCE formulée au printemps dernier qui ne vise rien moins que la création d'une “Banque des PME" dotée d'un capital de 10 milliards de dollars. H. H.