Les populations locales vont-elles accepter la présence des forces étrangères ? Les troupes de la Cédéao seraient-elles innocentes d'éventuels dépassements ? Pourquoi une action militaire alors qu'au départ, il s'agit d'un conflit interne ? Qui a la légitimité de demander une intervention militaire ? Ce sont entre autres les questionnements du panel d'experts invité hier au Forum géostratégique d'El Moudjahid organisé autour de l'application de la résolution onusienne 2085 sur le Mali. Celle-ci, adoptée à l'unanimité le 20 décembre 2012, autorise le déploiement d'une force internationale au Mali pour un an, sans toutefois fixer de calendrier précis pour le déclenchement d'une offensive contre les groupes islamistes extrémistes. La résolution 2085 préconise le lancement par Bamako d'un dialogue pour rétablir l'ordre constitutionnel et organiser l'élection présidentielle et des législatives en avril 2013. Elle recommande également aux autorités de la transition à engager des négociations crédibles avec les groupes présents dans le Nord qui se dissocieront des organisations terroristes dont Aqmi et le Mujao. Cependant, si cette résolution fait un semblant d'unanimité au sein de l'opinion publique malienne, elle ne manque pas de susciter des interrogations quant à sa mise en œuvre sur le terrain sachant qu'une multitude d'inputs sont à considérer. La position de l'Algérie, ayant pris en compte tous les aléas d'une intervention militaire sans passer par le dialogue, semble buter sur une opposition qui lui reproche de faire cavalier seul dans le dialogue avec les rebelles du MNLA et d'Ançar Dine. C'est justement autour de cet axe que s'est articulé le débat d'hier. Le Dr Karim Khelfane, maître de conférences à la faculté de droit de l'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou et spécialiste de la question, dira à ce sujet que l'Algérie a toujours respecté la légalité internationale. “Les résolutions 2056, 2071 et 2085 rentrent dans le même contexte et constituent la feuille de route pour un règlement global de la crise malienne qui ne saurait connaître un dénouement si tous les volets ne sont pas pris en compte. La résolution 2085 comporte deux volets : politique et sécuritaire. Le Conseil de sécurité fait la différence. L'Algérie se reconnaît dans cette résolution en matière de lutte contre le terrorisme, comme elle se reconnaît dans les questions ayant trait aux violations des droits de l'Homme (agressions sexuelles par le MNLA, pillage des biens et édifices, les enfants soldats, les dépassements commis par des groupes d'autodéfense, etc.)", dira-t-il, et de conclure que le Conseil de sécurité de l'ONU a repris les choses en main dans ce conflit. Au départ il y avait un traitement de surface. À présent, tout est traité en conformité avec les conventions internationales. Il y a jonction entre les droits ONU et les droits de Genève. Pour le Pr Mohand Berkouk, politologue, les choses ne semblent pas aller comme on peut le croire vers un règlement immédiat du conflit. “Sur le terrain, les conditions tout comme les délais ne sauraient être respectés. Il est nécessaire de faire associer tous les acteurs sur le terrain et dans ce domaine il y a fort à faire car il s''agit de grands chantiers", fera savoir l'orateur. Ce dernier va plus loin dans sa thèse en soutenant que la crise pourrait faire tache d'huile compte tenu de la fragilité sécuritaire qui caractérise les pays de la région. MNLA, Mujao, Ançar Dine, Aqmi et même les trafiquants d'armes et de drogue, d'où le crime organisé, y sont présents, constate-t-il. Deux interrogations se posent, selon les spécialistes, en cas de mise en œuvre d'une intervention militaire dans le cadre d'un mandat de l'ONU, à quoi servirait-elle ? Pour reprendre les 948 km de frontière ? Menace terroriste ou menace extrémiste ? Où est la priorité ? Le Pr Berkouk pousse son jugement : la prolifération horizontale touchera la Mauritanie et même le Niger et gagnera la Libye (un Etat qui est déjà en échec). “Arrivés à ce stade, ce sera un scénario alarmant où le front sera difficile à gérer. En somme, la crise malienne risque de devenir le couvent du terrorisme international", conclut-il. De son côté, Noureddine Amrani, spécialiste de la question sécuritaire, s'interroge sur la position de la France qui a opté dès le début pour une intervention militaire. “Pourquoi une action militaire alors qu'au départ c'est un conflit interne. On a oublié l'action diplomatique. Qui a la légitimité de demander l'intervention militaire ? Pensez-vous que 3 000 personnes (cette armée n'est toujours pas formée) serait à même d'y faire face ? L'intervention de la France reste en tout cas contradictoire avec la déclaration de François Hollande : la Françafrique c'est terminé !" A F