Résumé : Prise dans l'engrenage des revendications de ces femmes venues spécialement demander mon aide, j'oubliais l'anniversaire de Mehdi. Je me dépêche de quitter la rédaction pour rentrer chez moi où toute la famille devait m'attendre. Je rallume mon portable pour rappeler Youcef qui avait essayé de me joindre des dizaines de fois. Il aimait s'extasier devant la famille et démontrer son autorité. Ils sont tous pareils, me dis-je, avant de me décider à répondre : -Tu ne demandes même pas si je n'ai pas eu d'accident sur l'autoroute ou si on ne m'a pas agressée ou kidnappée. -Si c'était le cas, on nous l'aurait fait savoir. Je suis certain que tu es restée encore à la rédaction. Des foutaises. Des balivernes. Et je ne sais encore quoi. Bon, bref ! Nous discuterons de tout ça plus tard. Maintenant princesse, daignez vous montrer afin que nous puissions au moins découper le gâteau d'anniversaire. Le petit s'est endormi sur le tapis du salon. -J'arrive. Je démarre tout de suite. Quelle sentence me réservait-on ? J'étais prête à tout accepter. J'étais coupable d'un délit inconcevable pour une maman. Mon fils m'attendait pour découper son gâteau, et moi j'étais en train de palabrer à la rédaction. Je me mordis les lèvres. Youcef avait raison. Mon entêtement avait dépassé les limites aujourd'hui. Ce n'est pas parce que je défendais des causes féminines que je devais négliger les miens. Je passe la main sur mon front. J'étais épuisée. J'avais trop discuté. Je me suis trop concentrée sur les causes soulevées par toutes ces femmes qui pensaient trouver une peu de réconfort auprès de moi. Une désagréable sueur couvrait mon corps. Pourtant, il faisait frais. La nuit était tombée, et la lune brillait haut dans le ciel. Une nuit romantique, me dis-je en baissant la vitre. Je humais l'air frais. Je tentais de remplir mes poumons d'un oxygène pur afin d'évacuer mon trop-plein des “malvies" des autres. Je me sentais lasse tout d'un coup. Le volant glissait entre mes mains, et mes jambes appuyaient automatiquement sur les pédales. Je n'avais pas besoin de trop me concentrer pour conduire. Mes gestes étaient devenus routiniers. Hélas mes écrits aussi. Où est donc passé le temps où je courais toute heureuse vers mon chef de rubrique pour lui proposer un sujet et le rédiger sans trop de mal ? Je changeais de thème à chaque fois, et cela me motivait. Je pousse un long soupir. J'étais devenue un automate. Certes, j'ai évolué, j'ai réussi si on peut dire. Mes écrits accrochaient, mon lectorat augmentait de jour en jour. J'avais même beaucoup d'admirateurs. Je gagnais bien ma vie. Mon boulot me plaisait aussi. Je défendais la cause de ces malheureuses qui ne savaient plus à quel saint se vouer. Je me suis tracé pour but de les défendre et je ne voulais pas faillir à ma mission. Mais à quel prix ! Je freine devant l'immeuble et cherche une place où me garer avant de monter chez moi, les bras chargés. Youcef m'attendait. J'avais à peine appuyé sur la sonnette qu'il m'ouvrit la porte. -Ce n'est pas trop tôt. Evitant son regard plein de reproches, je me dirige vers le salon. Ma mère venait de débarrasser la table. On avait terminé de dîner. Je ne savais pas sur quel pied danser. Un silence m'accueille. Un lourd silence qui renseignait sur ma culpabilité et les jugements qu'on me réservait. Oui. J'étais jugée. Pas à ma juste valeur bien entendu. Je n'avais pas de juste valeur. Ce soir, j'étais cette “embêtante" qui avait gâché la soirée par son absence. Mehdi s'était réveillé. Il courut vers moi et me tendit les bras. Je flanche devant sa tête ensommeillée et son sourire. Je méritais la guillotine. Je le soulève pour le serrer bien fort contre moi. -Bon anniversaire bout ‘chou. Je lève les yeux vers mon mari qui soutint mon regard. Je lisais en lui. Un volcan bouillonnait. Je savais que toute cette tension n'allait pas tarder à augmenter de plusieurs crans, lorsque tout le monde serait parti. (À suivre) Y. H.