Les présidentiables et les candidats déclarés ont décidé d'adopter “une riposte commune face aux menaces qui pèsent sur les libertés démocratiques et le pluralisme, à l'approche de l'élection présidentielle”. Le fait est inédit. À quelques mois de l'élection présidentielle d'avril 2004, dix personnalités et pas des moindres (Ali Benflis, Saïd Sadi, Mouloud Hamrouche, Ahmed Benbitour, Taleb Ibrahimi, Mokdad Sifi, Ali Yahia Abdenour (Laddh)…) — il est attendu que d'autres les rejoignent — de divers courants politiques, dont la candidature n'est pas officielle pour la plupart, transcendent leurs clivages idéologiques et multiplient, ces derniers jours, des rencontres d'échange de points de vue. L'objectif ? Adopter une riposte commune face aux menaces qui pèsent sur les libertés démocratiques et le pluralisme, à l'approche de l'élection présidentielle. Ils veulent se constituer en “un front national” pour prévenir le danger de la fraude qui pèse grandement sur cette échéance capitale. Une sombre perspective qui, si elle venait à se réaliser, ne manquerait pas de déteindre sur l'image de marque du pays, au demeurant bien écornée, à l'intérieur comme à l'extérieur. Elle est surtout porteuse de risques majeurs sur la stabilité du pays. Aussi, du stade des dénonciations isolées des “dérives” du clan présidentiel, on est passé maintenant à l'offensive en menant une action commune ayant pour but de neutraliser la volonté farouche du Président-candidat à rempiler coûte que coûte même au prix d'une… fraude, comme redouté par ces acteurs politiques. Un départ exigé par tous Surtout que le gouvernement de Ahmed Ouyahia, dont le parti soutient la candidature de Bouteflika, est totalement acquis à la cause de ce dernier. Un gouvernement qualifié par certains d'“état-major de la fraude” et de “staff électoral” par d'autres. Du départ de cet Exécutif, toutes les personnalités citées plus haut ont d'ailleurs fait une des principales conditions de transparence du prochain scrutin. Leur autre point commun est la nécessité de la neutralité de toutes les institutions de l'Etat et pas de l'armée seulement. Car, pour certains, comme Ali Benflis et Rachid Benyellès, le désengagement de l'institution militaire ne peut profiter qu'à l'actuel Président qui aura alors tout le loisir de frauder, puisque le gouvernement et l'administration lui sont acquis. Une appréhension qui est loin d'être une vue de l'esprit puisque confortée par nombre d'éléments. Le président Abdelaziz Bouteflika a donné la pleine mesure de ce qu'il est capable de faire pour satisfaire son ambition vorace. Faut-il rappeler que, depuis quelques années, les espaces publics (stades, rue..) et médiatiques (la télévision) sont pratiquement interdits à l'opposition ? Faut-il souligner encore qu'il lui est souvent reproché de ne pas s'empêcher, pour les besoins d'une campagne électorale qui ne veut pas dire son nom, à puiser dans les fonds publics, distribuant à tour de bras, à l'occasion de chaque visite effectuée dans les wilayas, des enveloppes faramineuses ? Bien plus, le Front de libération nationale, depuis la tenue de son VIIIe congrès, fait face à une véritable tentative de déstabilisation. La cause ? Son refus de porter la candidature de Bouteflika, en lui préférant celle de son secrétaire général Ali Benflis. Et depuis, la cause de ce parti est entendue. Tous les moyens sont alors bons pour lui faire payer son indocilité. On ne s'est pas contenté de créer, au mépris de la loi, un mouvement de “redressement” que la direction du parti a eu à qualifier d'illégal, mais pour les besoins de la cause, on a impliqué dans ce “complot” l'administration et de nombreuses institutions de l'Etat comme le ministère de l'Intérieur, la police, la justice, etc. Une invalidation déclic Il semble que c'est la décision rendue il y a quelques jours par cette dernière institution, c'est-à-dire la justice, portant sur l'invalidation du VIIIe congrès du parti de Ali Benflis, qui a servi de déclic en précipitant le regroupement d'acteurs de tous les bords politiques. L'intérêt de cette démarche est qu'elle intervient à 3 mois de l'élection. Ses promoteurs auront quand même une certaine marge de manœuvre pour exiger les conditions d'une compétition électorale loyale. À coup sûr, l'épisode de 1999 est bien présent dans les esprits. On s'en souvient que les candidats d'alors, au nombre de 5, se sont d'abord engagés dans la bataille pour se retirer de la compétition à la dernière minute, constatant “tardivement” que les dés étaient pipés. A. C.