Kadhafi ne fait jamais les choses à moitié. Ses années révolutionnaires, il les a assumées, quand bien même, elles lui ont valu un isolement de “pestiféré” de la part de l'Occident et une méprise chez ses pairs du Sud qui ne voyaient en lui qu'un personnage “haut en couleur”. Bouillonnant et persuadé que son “livre vert” pouvait être la bible des temps modernes, Kadhafi aura été de toutes les causes, y compris des affaires controversées et impossibles. Avec l'âge, et face aux échecs répétés de ses entreprises, il décide de changer de direction. Sa résolution est inversement proportionnelle à tout ce qui a fondé sa raison d'être. Dorénavant, il ne jure plus que par l'Occident qu'il vouait pourtant aux gémonies comme personne l'a fait. Le retournement est spectaculaire, il a viré à 180 degrés. Claquant la porte à la Ligue arabe, il s'est assis sur son arabisme et ne veut même pas du Maghreb qu'il vient de condamner à la déshérence en faisant échec au sommet de l'UMA. Il se fait tout miel à l'égard de Washington et Londres dont il dédommage les ressortissants, parents de victimes de l'attentat terroriste, qui a fait sauter un avion de la Pan Am, au-dessus de Lokerbie (Ecosse). Kadhafi débourse 2,5 milliards de dollars et reconnaît officiellement l'implication de la Libye. C'est insuffisant aux yeux de Bush pour lever les sanctions américaines imposées depuis 1986 et effacer Tripoli de la liste des Etats voyous. Kadhafi avoue être en possession d'armes de destruction massives (ADM) invitant le cheval de Troie de Washington dans ses nouvelles guerres “préventives”, l'AIEA, à l'assister dans leur destruction. Bush est satisfait d'autant que deux autres pays de son agenda des Etats pestiférés, l'Iran et la Corée du Nord, ont également ouvert la porte aux inspecteurs de l'AIEA. Mais le président américain exige de la part de Tripoli d'autres concessions, Kadhafi s'exécute sans coup férir. Pour faire bonne figure auprès de Washington, il prend contact avec Israël en vue d'une normalisation. L'affaire a été ébruitée par le principal conseiller du ministre des Affaires étrangères israélien qui a révélé que le dialogue entre les deux pays a été amorcé par le propre fils de Khadafi lors d'une rencontre en août dernier avec le député et ancien ministre travailliste israélien Ephraïm Sneh. Des voix israéliennes sont persuadées que Kadhafi ne s'arrêtera pas à mi-chemin. Oublié le temps (2000) où Kadhafi proclamant qu'Israël n'avait pas d'avenir dans un environnement arabe, conseillait aux Juifs d'aller fonder un Etat en Alaska, leur prédisant que “la Palestine sera leur cimetière”. Le même Kadhafi, qui veut se rapprocher d'Israël, a également rappelé son ambassadeur de la Mauritanie dès lors que les autorités de Nouakchott avaient pris la décision de nouer des relations diplomatiques avec Israël. C'est pour ne pas s'asseoir à la même table que la Mauritanie devait également avancer Kadhafi pour décliner l'offre de Bouteflika à venir à Alger en décembre dernier pour prendre les clefs de l'UMA. Kadhafi est, par contre, fortement intéressé par un accord d'association avec l'UE. C'est pourquoi il vient de régler la question du DC 10 de l'UTA (français) abattu au-dessus du Niger. Les parents des victimes ont obtenu 1 million de dollars chacun. D. B.