Les réserves de changes risquent de s'épuiser autour de 2024. L'Algérie sera alors obligée de s'endetter pour financer ses déficits commerciaux. L'Algérie va droit sur l'iceberg si elle ne prend pas le virage maintenant et éviter ainsi le même sort que le “Titanic". C'est du moins le message d'avertissement lancé hier par l'économiste, Najy Benhacine, lors de la présentation, au siège du Forum des chefs d'entreprise à Chéraga (Alger), du volet économique du rapport, “Enseignement et vision pour l'Algérie 2020", du réseau Nabni (Nouvelle Algérie bâtie sur de nouvelles idées). Chaque année qui passe rend probablement le point d'impact. “En supposant que le déclin actuel de la production de pétrole et de gaz s'interrompe rapidement grâce aux investissements en cours, les prévisions de croissance de la consommation interne d'énergie nous mènent inexorablement vers une baisse des exportations soutenue à partir de 2015", prévoit le réseau Nabni. Selon ces hypothèses raisonnables, et sans découverte majeure, il est probable que les exportations d'hydrocarbures en 2030 aient baissé de moitié par rapport à 2012. Que se passera-t-il si rien n'est fait ? Pour maintenir le train de dépenses actuelles de l'Etat et de la part du budget d'investissement dans le budget de l'Etat, le déficit budgétaire continuera à se creuser au fil des ans et finira par vider le Fonds de régulation des recettes avant 2020. Ce fonds où sont venus s'accumuler les surplus budgétaires depuis sa mise en place en 2003, pour atteindre plus de 4 000 milliards de dinars fin 2012, constitue la réserve de l'Etat pour faire face aux années de “vaches maigres" et aux aléas des marchés pétroliers. En continuant à dépenser plus que ce qu'il ne collecte comme recettes fiscales, et sans changer de modèle économique ou de politique fiscale et budgétaire, l'Etat aura consommé toute cette “tirelire" dans 5 ou 6 ans. Après cela, les déficits budgétaires iront accroître la dette de l'Etat qui, de moins de 1 400 milliards de dinars en 2012 (9% du PIB), pourrait atteindre près de 3 000 milliards de dinars en 2020 (16% du PIB), puis près de 25% du PIB à l'horizon 2030. Quant aux réserves de changes, près de 200 milliards de dollars à fin 2012, elles commenceront à baisser à partir de 2016 quand la croissance non contenue des importations et la baisse des exportations d'hydrocarbures nous mèneront à des déficits commerciaux structurels. Ces réserves de changes risquent de s'épuiser autour de 2024. L'Algérie sera alors obligée de s'endetter pour financer ses déficits commerciaux. La dette extérieure, que l'Etat a prudemment remboursée en quasi-totalité en 2005, pourrait alors atteindre plus de 150 milliards de dollars en 2027 et plus de 300 milliards de dollars autour de 2030 si les importations continuent à croître. D'où l'urgence d'amorcer le grand virage de la diversification de l'économie et mener, enfin, le navire de 50 ans à bon port. Nabni suggèrent plusieurs objectifs et actions pour mettre la rente pétrolière au service de la diversification économique. Un climat des investissements favorable, une fiscalité renouvelée et une politique industrielle volontariste rendront possible cette transformation économique. C'est, du moins, l'ambition que le réseau Nabni se donne. L'objectif est d'atteindre croissance hors hydrocarbures de 7% à partir de 2015, puis à 9% à partir de 2020. Cinq leviers fondamentaux et quinze chantiers de rupture, par rapport aux politiques menées ces dernières décennies, sont nécessaires pour réaliser la vision économique d'Algérie 2020. Couper progressivement le cordon de la rente à l'horizon 2020 puis 2030, création du fonds souverain pour l'avenir, une grande réforme fiscale et budgétaire qui permette la transition vers la fin de la dépendance à la rente... se sont, entre autres, les chantiers que le réseau Nabni propose pour éviter “une catastrophe prévisible". M. R.