Abdelmadjid Attar, ancien P-dg de Sonatrach, est revenu dans le détail sur l'historique, le fonctionnement ainsi que sur toutes les péripéties auxquelles fait face l'entreprise ces derniers temps. Ceci, avant d'aborder les défis futurs qu'elle doit relever. De prime abord, il regrette que l'argent existe mais que la croissance ne suit pas. Le taux de croissance, indique-t-il, n'a pas dépassé le seuil de 2 à 3% de 2006 à ce jour, alors qu'il était de 5% entre 2001 et 2006. “Il y a de l'argent, mais pas de croissance ; il y a un problème de destination de la rente pétrolière", a-t-il commenté, non sans alerter sur le risque de voir le pétrole s'épuiser dans les deux décennies à venir sans qu'on en tire profit... “Les grosses découvertes de pétrole, c'est fini ! Le pétrole moins cher, c'est fini ! Il n'y aura certainement pas un deuxième Hassi-Messaoud", a-t-il prévenu, expliquant que l'absence du pétrole n'est pas liée à l'exploration. Selon ses prévisions, la fin du pétrole en Algérie interviendra vers 2030 et celle du gaz à l'horizon 2040. D'où son soutien à la promulgation d'une nouvelle loi sur les hydrocarbures devant ouvrir la voie à la recherche des hydrocarbures difficiles à exploiter, et à des coûts plus élevés, tels que l'exploitation des gisements marginaux de pétrole éparpillés un peu partout en Algérie, ou encore les hydrocarbures non conventionnels dont le gaz de schiste. La nouvelle loi sur les hydrocarbures, explique-t-il, devra permettre notamment la diminution de la fiscalité pétrolière, à savoir la baisse de la taxe, des impôts ainsi que la révision de la redevance qui doit être basée sur un système de calcul du rendement et non pas de la productivité. C'est là, dit-il encore, la seule parade afin de permettre l'exploitation, dans un premier temps, des petits gisements de pétrole qui se comptent par plusieurs dizaines à travers l'ensemble du territoire national, sachant que le taux de consommation interne de l'or noir augmente de 7% chaque année. M. Attar déplore que Sonatrach accuse un retard considérable en termes de développement de nouveaux gisements. Actuellement, quelque 9 000 forages sont exploités en Algérie. 92% de la ressource pétrolière se trouvent dans l'ouest du Sud algérien. Sur une réserve globale de 20 milliards de tonnes, révèle M. Attar, ingénieur géologue de métier, il reste 2,6 milliards de tonnes sous le sol, alors que 6,7 milliards de tonnes de pétrole sont estimés “récupérables". Pour le gaz, ajoute-t-il, il reste 4 500 milliards de m3 sur les 10 000 milliards de réserve. La quantité récupérable est estimée à 7 300 milliards de m3. À long terme, vers 2040, la nouvelle loi est faite, enchaîne-t-il, pour faciliter l'exploitation du gaz de schiste dont le coût, reconnaît-il, est beaucoup plus élevé que tout autre exploitation. Si M. Attar avoue à présent que “le gaz de schiste n'est pas rentable pour nous", il n'en demeure pas moins convaincu de la nécessité de travailler dessus et chercher à trouver la meilleure solution d'exploiter cette ressource. “Il y a l'avant-Tiguentourine et l'après-Tiguentourine" L'attaque terroriste de Tiguentourine serait-elle en rapport avec la volonté de l'Algérie de s'orienter vers l'exploitation du gaz de schiste qui dérangerait les intérêts des puissances qui détiennent le monopole dans ce domaine, comme le soupçonnent, plus ou moins convaincues, certaines parties ? “Ça, c'est de la haute voltige", ironisera M. Attar, estimant qu'au contraire, l'engagement de notre pays dans ce domaine devrait arranger les affaires de ces puissances (les USA étant le premier producteur de gaz de schiste) qui voudront certainement commercialiser leur technologie dans ce domaine. Conscient de la complexité d'exploiter cette ressource, l'ancien responsable de Sonatrach prévient, cependant, que cela nécessiterait la mobilisation de moyens colossaux tels que l'acquisition de milliers d'appareils de forage, sachant que l'Algérie ne possède aujourd'hui que 56 appareils. L'affaire de Tiguentourine risquerait-elle, par ailleurs, d'avoir des répercussions néfastes sur les exploitations et autres investissements dans les hydrocarbures en Algérie ? S'il estime que la situation actuelle “n'est pas complexe ni négative par rapport à ce que nous avons connu durant les années 1990 où de grands contrats de partenariat avec des firmes étrangères ont été signés en dépit des douloureux évènements d'alors", M. Attar avoue toutefois que le risque est nouveau tant qu'il vient, cette fois-ci, de l'extérieur, un acte lié aux évènements du Mali. “Il y a l'avant-Tiguentourine, il y aura l'après-Tiguentourine", a-t-il dit, quand bien même il juge que les investisseurs étrangers ne vont pas quitter le pays. F. A.