Résumé : Pour éviter les réponses envenimées de son beau-fils, Zahia se lève et alla chercher le poisson dans la cuisine. Elle sert son mari, mais refuse de servir Azad. Pour la narguer, ce dernier évoque sa mère... Elle aussi était cordon-bleu. La remarque souleva un remous... Azad se met à siroter sa boisson d'un air dégagé. Son père, qui s'était mis à côté de lui, chuchote : - Azad, tant que tu es sous mon toit, tente de bien te conduire, tu sais bien que je n'aime pas les mauvaises surprises. - Quelles mauvaises surprises, père ? Il se gratte la tête et regarde en direction de la porte avant de répondre : - Tu connais ta marâtre, elle n'aime pas qu'on la contrarie. Je ne t'ai pas raconté... Heu... il y a quelques années de çà, elle a frôlé une dépression. - Une dépression ? Pourquoi ? - Oh ! Moi-même, je n'ai rien compris. Elle avait eu un petit accident sur l'autoroute, et cela avait suffit pour être le facteur déclenchant de tout un marasme. Elle ne faisait que pleurer sans raison. Elle avait développé des phobies inexplicables, comme la peur de mourir, de contracter une maladie, ou de devenir folle. Cela avait pris beaucoup de temps. Des années je dirais. J'ai dû la faire suivre par un ami psychiatre qui lui avait prescrit des antidépresseurs. Une longue thérapie fut nécessaire avant qu'elle ne daigne remonter la pente. - Eh maintenant ? - Eh bien, maintenant je tente de la ménager au maximum. Elle doit s'extérioriser, se défouler si on veut. Je la laisse mener la barque à sa guise. Je... je n'aimerais pas la perdre, tu comprends ? Azad hoche la tête : - Je saisis amplement tes appréhensions père, tu as peur de te retrouver seul. Tahar ne répondit pas. Son fils était psychologue. Il n'avait rien à lui montrer. Afin d'éviter que le sujet ne s'éternise, il demande : - Crois-tu que ta marâtre est totalement sortie d'affaire ? Azad sourit : - A la voir telle qu'elle est aujourd'hui, je pense que oui. Elle a toujours été autoritaire. - Ce qui ne l'a pas empêchée de déprimer. - Tout le monde passe par une crise existentielle au moins une fois dans sa vie. L'horloge humaine a des raisons qu'on n'arrivera jamais à élucider. Il y a, comme cela, des passages à vide et sans explications. Il s'arrête, puis rajoute : - Je crois que c'est le remords... - Hein... ? - Oui. Zahia souffre de ses actes... Son père jette encore un regard à la porte du salon : - Chut... pas si fort, elle pourrait t'entendre. Azad sourit : - Et alors, je lui donne la clé de la thérapie la plus efficace qui soit : la reconnaissance de ses mauvaises actions. Elle doit tout d'abord apurer sa conscience. Tahar se tut. Il était à court d'arguments pour disculper sa femme. Azad le prend en pitié. Il met sa main dans la poche de son blouson et retire l'écrin en velours qu'iI tendit à son père : - Un petit souvenir... Stupéfait par ce geste inattendu, Tahar prend l'écrin en silence et l'ouvrit : - Oh ! Quelle merveille ! Cette montre doit coûter une petite fortune, elle est de grande marque. - L'argent ne compte pas quand on peut en retour recevoir un peu d'affection. La remarque était acerbe. Son père se pince les lèvres. L'amère réalité s'imposait aujourd'hui. Son propre fils lui reprochait sa conduite et lui démontrait ses faiblesses. Pour ne pas se laisser aller, il tente de prendre un air autoritaire : - Je ne suis pas ce que tu crois, non j'ai changé depuis longtemps. Azad ne voulut pas riposter. Son père a changé pour se faire mener par le bout du nez par sa femme. Quant à lui, il lui en avait montré de toutes les couleurs. A quoi cela servira-t-il aujourd'hui de revenir sur le passé ? Vaut mieux tourner la page et effacer les mauvais souvenirs qui empoisonnent son existence. Il met une main apaisante sur le bras de son père : - Je suis content que la montre te plaise. (À suivre) Y. H.