La 2e édition du Festival de la création féminine prendra fin aujourd'hui au Théâtre régional Azzeddine-Medjoubi de Annaba, avec une série d'hommages et l'annonce du tant attendu palmarès. Mardi soir, la compétition s'est poursuivie avec la représentation de la pièce “Kherdjet", porté par la prestation de la talentueuse Sabrina Korichi. Il existe un dicton selon lequel “l'herbe est toujours plus verte de l'autre côté de la barrière". On désire toujours ce que l'on n'a pas ou ce que l'on ne peut pas avoir. C'est exactement cela l'état intérieur des protagonistes de la pièce “Kherdjet", présentée mardi soir au Théâtre régional Azzeddine-Medjoubi de Annaba, dans le cadre de la compétition du 2e Festival national de la création féminine. Produite par le Théâtre régional Mahmoud-Triki de Guelma, écrite par Lamri Kaouane et mise en scène par Tounès, “Kherdjet" plante le décor dans une gare ferroviaire. Deux femmes ont décidé de fuir leurs époux, parce que ne correspondant plus à leurs idéals masculins. Kheïra Bent En-Nouari (l'époustouflante Sabrina Korichi) quitte son Abdelaziz pour son esprit un peu trop ouvert à son goût et ses manières raffinées ; Nouara Bent El-Kheir (incarnée par Fatéma Bouchemal), alias “Ninni", quitte Allaoua pour son attachement aux traditions et son manque de civisme. La discussion s'engage entre les deux femmes, et chacune réalise que son idéal masculin est le mari de l'autre. “Kherdjet" a été réellement portée par la prestation de la comédienne Sabrina Korichi – que l'on avait notamment vue dans le programme télévisuel (sur l'ENTV) “Comédia Fun", durant le Ramadhan – qui s'est surpassé dans son rôle qui lui allait comme un gant. L'humour était au rendez-vous dans ce spectacle. On rit, on réfléchit peu et on sort dans la joie et la bonne humeur, sans pour autant savoir ce que le metteur en scène et l'auteur ont tenté de transmettre. En outre, le programme riche de cette édition s'articule autour de récitals poétiques organisés entre les représentations, de deux ateliers (conte, techniques de théâtre) qui ont eu lieu les 4 et 6 mars, et des lectures de pièces théâtrales suivies de débats, qui se tiennent tous les matins à 10h au théâtre régional. Des visions étriquées La compétition devait prendre fin hier en soirée. Le jury, présidé par Brahim Noual, attribuera, aujourd'hui, dix prix (Grand prix Keltoum, texte ou adaptation, mise en scène, interprétation féminine et masculine, scénographie, musique originale, costumes, chorégraphie, prix du jury). Le choix sera quelque peu difficile, puisqu'il sera dur pour ce jury de départager les œuvres, qui se rapprochent souvent, sur le plan thématique, notamment celui relatif à la vie conjugale et aux relations homme/femme, pour “Bouzenzel", “El-Bahi et Bahia", “Zwadj w laâwedj". “Essoura tahki" et “Maya" sont deux pièces qui s'intéressent à la condition de la femme. Mais le mot condition est à prendre dans son sens large : la première dresse un parallèle entre la femme d'hier et d'aujourd'hui ; la deuxième suit les aventures d'une jeune fille, sans papiers, en Espagne. “Arfia fi samt ellil", qui nous renvoie à la douloureuse période de la décennie noire, est la seule pièce, jusque-là, qui se distingue par sa thématique, courageuse et puissante, et ce, même si l'effet attendu, l'identification pleine et totale, ne se concrétise pas, parce que le texte est trop court. Il faudrait également relever que même si cette pièce a le grand mérite de poser le problème de manière frontale, elle reste pauvre en termes de propositions, car elle ne développe pas la problématique en question et n'engage pas de réflexion sur le sujet. Elle l'amorce uniquement, et c'est déjà très bien. Quel théâtre pour quelle femme ? De ce qui nous a été montré, les pièces traitent de thématiques liées à la femme, mais portent généralement sur le thème du mariage et de la vie conjugale. Si elles s'émancipent et réussissent à s'extraire de leur propre condition, elles ne parviennent pas à produire de sens, sans la présence de l'homme. Même s'il est absent sur scène, il est toujours présent, soit dans le texte, soit dans l'inconscient. Certes, la femme est l'avenir de l'homme, mais la femme mérite beaucoup mieux que cela ! Tout cela nous pousse à nous interroger : est-ce que la femme a une thématique particulière dans laquelle elle doit se confiner ? Bien sûr que non, mais pour cela, il faudrait sans doute engager une réflexion profonde sur ce que c'est que le théâtre au féminin, et sur les véritables centres d'intérêts des femmes. Il n'y a pas que le mariage qui intéresse ou pose problème aux femmes. La femme, dans le monde d'aujourd'hui, a d'autres préoccupations et souhaite surtout s'affirmer à tous les niveaux (personnel, professionnel, familial, etc.). La meilleure consécration pour les femmes artistes serait de voir participer plusieurs femmes, par exemple, au Festival national du théâtre professionnel, dans des catégories autres que le jeu. S. K.