Je ne sais pas s'ils ont chopé la tremblote, mais nos commerçants, à quelques rares exceptions, ne tiennent jamais en place. Ils courent derrière le gain rapide, pressés, toujours pressés, et changent d'activité aussi vite qu'ils changent de chemise, uniquement pour coller à la tendance du moment. Plus elle est rentable et plus ils s'y accrochent. Si le poulet marche, ils sont les premiers à en vendre ; si la pizza fait un tabac, ils sont les premiers à en servir. Tenez, à Gambetta, au niveau du premier rond-point, un menuisier a transformé son atelier en magasin de fruits et légumes, passant ainsi du gros bois aux petits pois, et même au “chwa", puisqu'il propose aujourd'hui carrément sur le trottoir grillades et autres “melfouf" à la braise. J'ai vu une pâtisserie... à l'intérieur de laquelle des ouvriers cousaient des sofas marocains. Le propriétaire dans la précipitation ayant oublié d'enlever la dernière enseigne. On devrait interdire ce genre de transhumance qui ne fait honneur ni à la ville ni à son standing, d'autant que le nouveau maire semble ouvert à toutes les suggestions. Et quand je pense que sous d'autres cieux, une brasserie est devenue un patrimoine national, j'en reste sans voix. Construite en 1836 près de la gare Perrache à Paris par un Alsacien du nom de Georges, cette auguste institution de la bière et du demi sert depuis plus de 170 ans choucroute et saucisse sans discontinuer. Elle en est arrive à 3200 plats/jour actuellement. Bref, on ne visite pas la capitale française sans faire un détour chez Monsieur Georges. Il paraît que des ministres de la IIIe République y avaient leurs petites habitudes. Les noms de Verlaine, Delacroix et Hemingway sont rivés sur des sièges pour rappeler aux touristes de passage que l'établissement a reçu en son temps le plus beau linge d'Europe. M. M.