Qu'est-ce que la repentance ? Qui peut la réclamer ? De qui doit-on l'exiger ? Doit-on seulement la souhaiter ? Ce sont là les grandes lignes du débat, riche et constructif, organisé samedi dernier à Alger. Dans l'ouvrage collectif, Aspects de la repentance, paru en 2012 aux éditions Barzakh, les textes des chercheurs et historiens, algériens et français (Michèle Bompart-Porte, François Dastur, Salima Ghezali, Olivier Le Cour Grandmaison, Seloua Luste Boulbina, François Maspero, Hassan Remaoun, Emmanuel Terray), qui composent cet ouvrage, dirigé par Ismaël-Sélim Khaznadar, interrogent et (dé)construisent la notion de la repentance. En fait, dans leur livre, les auteurs s'intéressent à la notion de repentance dans sa globalité, et rappellent, dans leurs écrits que tout repentir est un exercice entre soi et soi-même, et que pour l'historien, la quête de vérité passe par d'autres exercices et concepts, notamment l'élucidation. Mais la mémoire douloureuse de la colonisation est toujours aussi forte. C'est pour cela que la question de la repentance se pose, en Algérie, avec d'autant plus de sensibilité, notamment ces dernières années. Cette question de la repentance, inspirée donc de cet ouvrage collectif, a été posée, samedi dernier, à l'hôtel Es-Safir d'Alger, lors d'un colloque intitulé : “Algérie-France, de la repentance : nécessité ou alibi ?". C'est sous la forme interrogative que ce colloque, organisé par l'hebdomadaire El Watan Week-end et les éditions Barzakh, ouvre le débat sur la repentance. La rencontre — qui a attiré beaucoup de monde —, modérée par Abdelmadjid Merdaci, docteur d'Etat en sociologie, professeur à l'université Mentouri de Constantine et diplômé en histoire, a été animée par Ismaël-Sélim Khaznadar, mathématicien et maître de conférences à l'université Mentouri de Constantine, Olivier Le Cour Grandmaison, universitaire français et maître de conférences en sciences politiques à l'université d'Evry-Val d'Essonne, et Malika Rahal, historienne et chargée d'histoire du temps présent (IHTP). Attentive et largement intéressée, l'assistance venue de différents horizons était diversifiée. Ecrivains, historiens, combattants ou citoyens mais témoins de la guerre de Libération nationale, ont tous répondu présents. Les deux moudjahidate, Louisette Ighil-Ahriz, et Annie Fiorio-Steiner, ont également tenu à être présentes. Le public ne s'est pas fait prier pour intervenir et exprimer son avis sur la repentance. Mais qu'est-ce que la repentance ? Qui peut la réclamer ? De qui doit-on l'exiger ? Doit-on seulement la souhaiter ? Ce sont-là les grandes lignes du débat, riche et constructif. Pour ou contre, chacun avait un avis qu'il ne cachait pas, qu'il exprimait tout haut, quitte à gêner l'assistance. Celle-ci s'est soulevée un bon nombre de fois contre certains avis. “La repentance est un concept extrêmement problématique et pourtant nous avons tous accepté de venir en parler", a souligné Malika Rahal. Tout au long du colloque, plusieurs sujets ont été abordés, notamment la visite de François Hollande en Algérie en décembre dernier, au cours de laquelle il a reconnu la brutalité du régime colonial. Ce que beaucoup ne voient pas comme une évolution dans la posture de la France à l'égard de son passé. “Reconnaître verbalement n'engage en rien", ont estimé certains dans l'assistance. Ce que Olivier Le Cour Grandmaison appuiera, en déclarant : “Malgré ce qui a été fait ou dit par Hollande, la France est relativement en retard sur cette question." Il a également été question d'amnistie et sur la controversée loi française du 23 février 2005. Peut-on exiger un repentir collectif de la part des anciennes autorités coloniales ? Ismaël-Sélim Khaznadar, dont l'histoire familiale a poussé à étudier le sujet de la repentance, a déclaré : “Demander la repentance ne sert absolument à rien, parce que la guerre de Libération, qui a été un succès, devrait nous prémunir de se retourner vers ce passé." Et d'ajouter : “Aujourd'hui, il faut comprendre ce qu'il s'est passé." Pour étayer cela, il donne, notamment, l'exemple de la Seconde Guerre mondiale, en indiquant que “rester meurtri par les violences nazies ne servait à rien pour les allemands". Dans l'ouvrage que M. Khaznadar a dirigé, certains auteurs utilisent beaucoup d'exemples de ce genre, pour questionner, interroger et déconstruire le concept de repentance. Par ailleurs, dans l'assistance se trouvaient des étudiants, mais ils n'étaient pas nombreux, ce que Malika Rahal a regretté en disant : “Les jeunes sont malheureusement désintéressés." F Y N “Aspects de la repentance" Recueil de textes dirigé par Ismaël-Sélim Khaznadar. 192 pages, éditions Barzakh. 700 DA.