Le harcèlement contre le journal Liberté prend les allures d'un véritable acharnement judiciaire, et tout particulièrement contre Ali Dilem. Contre ce dernier, pas moins de 9 poursuites sont engagées, pour des caricatures croquant à pleines dents la silhouette obèse d'un général ou enfonçant les traits et la taille du président de la République dont les cheveux sont toujours allongés par un sympathique papillon qui s'agite sous un sympathique portrait. Ces caricatures qui font le bonheur matinal du citoyen, tant elles sont l'expression d'un talent indéniable qui a le don de résumer l'entier événement social ou politique en un seul et unique trait parfois rageur, quelquefois attendrissant, ou de transformer ce même événement en une idée tellement simple qu'elle suggère ce rare humour qui nous fait oublier, l'espace d'un moment, nos malheurs quotidiens . Cette humeur de gaieté, qui s'exhale d'un dessin scintillant l'ironie subtile et la sagacité de l'intelligence, ne plaît pas forcément à ceux-là mêmes pour lesquels ces dessins sont adressés allègrement. Pour réprimer la corporation dont est issu ce brillant esprit parmi tant d'autres, l'on a préféré recourir à l'amendement du code pénal, appelé d'ailleurs “amendement Dilem”. Durant le premier semestre de l'année 2002, le ministère de la Défense nationale engageait pas moins de 6 plaintes contre la direction du journal et le caricaturiste, sans compter celles qui ont touché les quotidiens Le Matin et El Watan. Pour la caricature du mardi 15 janvier 2002, représentant un imam avertissant les fidèles durant son prêche que “les imams doivent faire très attention à ce qu'ils disent, selon Mohamed.... Lamari”, Dilem et Abrous sont condamnés à 6 mois avec sursis, 20 000 DA d'amende pour le premier et 40 000 DA pour le second. Le journal est condamné à une amende de 300 000 DA. S'agissant du dessin du 16 janvier 2002, publié à l'occasion de l'anniversaire du retour du Président Boudiaf, accueilli au pied de l'avion par une sacrée légende émanant d'un militaire, selon laquelle “voici le programme… Aujourd'hui à Alger, le 2 mars vous serez à Oran, le 29 juin à Annaba… et le 30 à El-Alia”. Pour cette caricature, Dilem, et Abrous en sa qualité de directeur du journal, s'en sortent avec une amende de 20 000DA. La publication est sanctionnée d'une amende de 100 000 DA. Les autres plaintes sont pendantes devant le tribunal . En septembre 2003, le journal Liberté, à l'instar d'autres quotidiens et après avoir subi le diktat de l'imprimerie, la SIA, qui a conduit à la suspension de la publication durant une semaine, le harcèlement des caricatures de Dilem reprend de plus belle. Pas moins de 15 dessins sont ciblés par le parquet, poursuivant leur auteur d'offenses au chef de l'Etat . Là, où il y avait le prénom de Atika sur un portrait, une silhouette rétrécie où des cheveux mal ajustés pour laisser deviner la calvitie du Président, la caricature devenait, alors, coupable d'offenses et d'outrage. L'instruction est en cours pour ces caricatures. La poursuite d'hier a trait à un dessin du 27 septembre 2003 ayant pour titre “Boutef n'aura pas de second mandat” agrémenté d'une boutade d'un militaire : “Il va partir avec une main devant… et un coup de pied derrière”. Pour ce dessin, Dilem sera certainement condamné. Et pourtant, il ne fait qu'exprimer la dure réalité des choses dans le langage de de la caricature. Sauf que Dilem ne peut pas le dire encore moins le dessiner. N'avait-on pas dit un jour, en haut lieu que nous avons choisi le moins mauvais des candidats. K. B.