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mesures sellal en faveur de l'emploi peuvent-elles apaiser les tensions sociales du Sud ?
Publié dans Liberté le 20 - 03 - 2013

Avec les émeutes au Sud et dans bon nombre de wilayas, les autorités sont désemparées, assistant impuissantes à des tensions sociales de plus en plus vives.
Les événements au Sud ne doivent pas être pris à la légère, au moment où nous assistons à une profonde reconfiguration géostratégique notamment au Sahel.
(1.-Eviter de donner un taux de chômage biaisé)
Pour l'ONS et le ministre du Travail, le taux de chômage s'établirait à moins de 10% entre 2011 et 2012, le miracle algérien, la moitié de l'Espagne. Sachant que la demande additionnelle est entre 300 000 et 350 000 emplois par an. Que nos responsables visitent les wilayas d'Algérie pour vérifier leurs données. Il existe une loi économique valable pour tout pays : le taux d'emploi est fonction du taux de croissance et des structures des taux de productivité, la crise mondiale actuelle étant une crise de la sphère réelle. Comment avec un tel taux de croissance selon les rapports internationaux entre 2010 et 2012 peut-on avoir créé autant d'emplois ? Or, un taux de croissance se calcule par rapport à la période précédente, un taux de croissance élevé à la période T1, en référence à un taux de croissance faible en référence à la période T0 donne globalement un taux de croissance faible. Selon les institutions, le rapport du FMI 2011, le produit intérieur brut l'Algérie est de 158,97 milliards en 2010, 183,4 milliards de dollars en 2011 et de 188,6 milliards de dollars en 2012. Or, il y a lieu de souligner la faiblesse de la production et de la productivité, du fait que 97 à 98% des exportations sont le résultat des hydrocarbures à l'état brut et semi-brut, les 2,3% hors hydrocarbures fluctuant depuis plus de 20 ans pour un montant dérisoire entre 900 millions de dollars et 1,5 milliard de dollars.
La création d'emplois en Algérie a été le résultat d'une dépense publique mal ciblée d'un montant de 500 milliards de dollars entre 2004 et 2013 avec des surcoûts, la mauvaise gestion. En fait, le pays dépense deux fois plus pour avoir deux fois moins de résultats par rapport aux pays similaires du niveau du bassin méditerranéen, selon une récente étude pour la région MENA. Des calculs précis que je peux mettre à la disposition des lecteurs montrent clairement que sur les 6% de croissance hors hydrocarbures, officiellement 80% l'ont été par la dépense publique via les hydrocarbures et que les entreprises évoluant dans le cadre des valeurs internationales contribuent à moins de 20% du produit intérieur brut. Pour preuve, l'Algérie exporte 98% en hydrocarbures brut et semi-brut et importe plus de 70% de ses besoins. Toujours dans ce cadre, 70% de la dépense publique ont été absorbés par les infrastructures (dont BTPH) qui ne sont qu'un moyen, l'entreprise et le savoir étant dévalorisés. Après la fin des chantiers, que deviendront ces milliers de travailleurs en espérant une non-chute brutale du cours des hydrocarbures due à la crise mondiale ? Pour preuve, le poste services est passé de 2 milliards de dollars en 2002 à plus de 12 milliards de dollars entre 2011 et 2012 avec ce paradoxe de fuite des cerveaux algériens et appel à l'assistance étrangère. A-t-on tenu compte des sureffectifs dans les administrations et entreprises publiques, la productivité du travail en Algérie selon les rapports de l'OCDE étant une des plus faibles au niveau du bassin méditerranéen ? Il s'agit de ventiler les emplois à valeur ajoutée, des emplois non productifs ou faiblement productifs (le commerce de détail connaît une implosion selon le dernier recensement du registre du commerce), des temporaires qui constituent le plus gros des effectifs. Dans ce cadre, quelle est la structuration des effectifs recrutés par niveau de qualification, la ressource humaine étant une richesse bien plus importante que toutes les richesses d'hydrocarbures ? Enfin, quelle est la part de l'emploi informel en distinguant les emplois à valeur ajoutée et de la sphère informelle marchande spéculative dominante ? Invoquer des données qui ne correspondent pas à la réalité, surtout à l'ère d'internet où le monde est devenu une maison de verre, favorise tant le divorce Etat/citoyens que le discrédit de l'Algérie au niveau international. C'est que, corrigés, le taux de chômage et le taux de croissance officiel sont des taux artificiels irrigués par la rente des hydrocarbures avec des salaires sans contreparties productives pour calmer le front social. Le taux officiel redressé par les sureffectifs, les emplois fictifs temporaires donneraient un taux de chômage entre 20 et 25%.
(2.-Eviter l'illusion de créer des emplois par décret)
Concernant l'aspect macro-économique global, l'aisance financière artificielle grâce aux hydrocarbures (600 milliards de dollars de recettes en devises entre 2000 et 2012 selon les bilans de Sonatrach), qui a permis d'éponger une fraction importante de la dette publique intérieure et extérieure, voile les contreperformances au niveau de la sphère réelle. Il existe une loi universelle : le taux d'emploi est fonction du taux de croissance et des structures des taux de productivité relevant d'entreprises compétitives et l'on ne crée pas des emplois par des décisions administratives. Que deviendront les 1,5 million d'étudiants sortis des universités en 2015 ? Dès lors se pose cette question stratégique : cette faiblesse du dépérissement du tissu productif en Algérie n'explique-t-elle pas que le taux de croissance n'est pas proportionnel à la dépense publique, et dans ce cadre il est impossible économiquement, comme prévu, de créer, entre 2009 et 2014, 200 000 PME/PME et trois millions d'emplois ? Paradoxe, l'Andi n'avait-elle pas annoncé entre 2007 et 2012, officiellement, un flux d'investissement direct étranger supérieur à 30 milliards de dollars par an, qui s'est avéré être une extrapolation hasardeuse ? Le peu de performance de l'économie algérienne est confirmé par la dominance des entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée (Eurl, 48,84%) suivies des sociétés à responsabilité limitée (Sarl, 41,96%). Fait plus grave, l'ONS confirme certaines enquêtes au niveau de l'Andi et l'Ansej où les dépôts de bilan dépassent 40 à 50% ces cinq dernières années, c'est-à-dire d'entreprises radiées du répertoire des entreprises pour cessation d'activité après avoir bénéficié des avantages accordés, et les nombreux litiges auprès des banques de non-remboursement l'attestent. Sachant que déjà de nombreuses PMI/PME qui constituent plus de 90% du tissu productif algérien sont en difficulté (bureaucratie, système financier sclérosé, foncier, concurrence de la sphère informelle produit de la bureaucratie qui contrôle 40% de la masse monétaire en circulation), il convient de se demander si ces jeunes promoteurs ont la qualification et surtout l'expérience nécessaire pour manager les projets, à l'instar de ce qui se passe partout dans le monde, diriger une entreprise dans un cadre concurrentiel afin d'avoir des prix /coûts compétitifs.
Le risque n'est-il pas d'assister à un gaspillage des ressources financières en fait de la rente des hydrocarbures et à terme au recours au Trésor, à l'instar de l'assainissement des entreprises publiques qui ont coûté au Trésor plus de 50 milliards de dollars entre 1971 et 2012 et à une nouvelle recapitalisation des banques ? La trajectoire raisonnable, en attendant une véritable relance des segments hors hydrocarbures, n'aurait-elle pas été l'investissement le plus sûr dans l'acquisition du savoir-faire par une formation additionnelle et des stages pour les préparer sérieusement à l'insertion dans la vie active durablement ? D'une manière générale, les résultats des organismes chargés de l'emploi (Andi, Ansej, Cnac), en référence aux projets réalisés et non en intention représentant environ 30%, sont mitigés malgré les nombreux avantages accordés. Or, avant de se lancer dans une opération aventureuse, un bilan serein implique de répondre à certaines questions et ce ,d'une manière précise et quantifiée : quel est le bilan de l'Andi, de la Cnac et de l'Ansej depuis leur existence dans la réalisation effective, de ces projets et non de dossiers déposés ? Quel est le statut juridique ? Quel est le temps imparti pour les projets réalisés entre le moment du dépôt et la réalisation effective le principal défi du XXIe siècle étant la maîtrise du temps ? Pour les projets réalisés, combien ont fait faillite selon les règles du code de commerce ? Quelle est la part en devises et en dinars des projets réalisés afin de dresser la balance devises ? Quel est le niveau d'endettement bancaire des projets réalisés avec le montant des créances douteuses ? Quelle est la ventilation des crédits bancaires par projet ? Quel est le montant exact des avantages fiscaux accordés tant pour les projets que ceux réalisés ? Quelle est la ventilation des postes de travail avec le niveau de qualification des projets et ceux créés ? Quelle est la contribution à la valeur ajoutée réelle du pays des projets réalisés ? Ces projets s'insèrent-ils dans le cadre des valeurs internationales dans la mesure avec la mondialisation ? Malgré la crise, nous sommes dans une économie ouverte du fait des engagements internationaux de l'Algérie aux conséquences désastreuses pour le pays. Aussi, sans vision stratégique, les dernières mesures décidées par le gouvernement ne feront que différer les tensions sociales. Ainsi s'impose une révision profonde de l'actuelle politique socioéconomique où, selon l'expression de la directrice du FMI, l'Algérie dépense sans compter, vivant de l'illusion de la rente éphémère. Du fait que la crise multidimensionnelle que traverse la société algérienne est systémique, cela dépasse le cadre strictement économique, renvoyant à des aspects politiques impliquant une gouvernance renouvelée et donc la refondation de l'Etat sur des institutions crédibles et non d'organes bureaucratiques créés sous la pression de la conjoncture. Cela implique une réelle décentralisation (à ne pas confondre avec le régionalisme néfaste) et une lutte concrète contre la corruption qui a des effets dévastateurs auprès de l'opinion nationale et internationale, traduisant par là un Etat de non-droit et une gouvernance centrale et locale mitigée.
A. M. professeur des universités, expert international en management stratégique
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