Faut-il lier sa programmation à une conjoncture particulière ? Plus de cinq ans est le temps pris par la Cour suprême pour se prononcer sur les pourvois en cassation introduits par le ministère public et par les accusés. Le procès en appel de l'affaire El Khalifa Bank s'ouvre demain à la cour de Blida. Il pourrait être reporté pour les motifs suivants : absence de prévenus, demande d'un report par des avocats ou le procureur ou report pour convenance du président de l'audience. Mais à croire le président du tribunal criminel, Antar Menouar, ce procès a toutes les chances de se tenir à la date fixée. Ce dernier a, en effet, affirmé lors de la séance de pré-audience avec les avocats et les détenus consacrée à la remise des convocations, qu'il n'y aurait pas de renvoi. 74 personnes ont été destinataires de convocations sur les 104 initialement comptabilisées. Certains inculpés se sont désistés de leur pourvoi en cassation et d'autres décédés. Il faut savoir que les hauts responsables cités dans cette affaire en tant que témoins durant le procès en première instance tenu en 2007 garderont cette qualité. C'est ainsi que Mourad Medelci, Abou Djerra Soltani, Karim Djoudi, Mohamed Terbèche, Madjid Sidi-Saïd et Mohamed Laksaci ne passeront à la barre que pour répondre à des questions supplémentaires et apporter quelques précisions que le juge jugera utiles. A contrario, cette affaire va être rejugée en fonction de toutes les attributions que détient le tribunal criminel qui se conformera à l'arrêt de renvoi de la chambre d'accusation. Me Khaled Bourayou s'attend à une audience dépourvue de nouveautés. “Ce procès comme le précédent sera ligoté par l'arrêt de renvoi", dit-il. Dans ce sens, il estime que l'arrêt de renvoi a expurgé du dossier “certaines responsabilités et enfoncé d'autres et surtout n'a pas abordé le cas de l'agence El Khalifa Bank de Koléa". Il faut savoir, également, que les faits révélés en 2007 par le tribunal de Blida montrent bien que la filiale de transport aérien servait de couverture à l'évasion des capitaux à l'étranger, mais l'arrêt de renvoi, exfiltre cette partie de l'affaire relative à Khalifa Airways et circonscrit les faits à la caisse principale d'El Khalifa Bank. “Le tribunal criminel n'a pas le droit d'inculper quelqu'un. Il doit s'en tenir à l'arrêt de renvoi. S'il y a des révélations nouvelles, le procureur peut ouvrir un autre dossier, mais le tribunal criminel n'est habilité à juger que les personnes déférées devant lui en tant qu'inculpées. Les témoins vont être écoutés en tant que témoins", explique Me Miloud Brahimi. Ce procès sera également marqué par l'absence de Moumen Khelifa dont le maintien en détention en Grande-Bretagne, en dépit d'une demande d'extradition, suscite l'incompréhension de la défense. Certains avocats à l'instar de Me Farouk Ksentini pensent que la demande d'extradition risque de jamais aboutir à cause de la frilosité de la justice anglaise. D'autres suspectent les autorités algériennes d'avoir sciemment omis de consolider le dossier de demande d'extradition. La plupart restent convaincus que Moumen Khelifa ne sera jamais jugé en Algérie. Son absence pour la deuxième fois consécutive aura-elle une influence sur le déroulement de ce procès ? Me Miloud Brahimi et Me Noureddine Benissad soutiennent que la défection de Khelifa n'aura aucune incidence dans la mesure où le premier procès a eu lieu en son absence. Toutefois, la procédure de son extradition surprend beaucoup Me Miloud Brahimi. Le maintien en détention de Rafik Khelifa dans une prison de Grande-Bretagne relève, selon lui, d'une anomalie incompréhensible. “Je ne comprends pas pourquoi un détenu reste sous écrou extraditionnel aussi longtemps. Soit, il est extradé, soit il est remis en liberté", nous déclare-t-il. À ceux qui soupçonnent les autorités algériennes de ne pas souhaiter son extradition, Me Brahimi réplique : “C'est faux, Alger a demandé son extradition officiellement, mais il a exercé son droit de recours." Il ajoute que “ce procès se tient à mon avis un peu tard ; le contexte n'est pas du tout favorable à cause de la propagation des maux sociaux et corruption. Tout dépend de la façon dont il va se tenir. Si les déceptions multiples de la population vont être prises en compte ou si les choses vont se passer comme d'habitude". Me Khaled Bourayou reste convaincu, quant à lui, que l'audience “sera marquée par un grand absent. Celui qui sait à qui il a donné et qui a reçu. Nous allons assister à un procès muet". L'extradition de Khelifa aurait pu, en effet, conduire à un déballage aux lourds dommages pour certains. Elle aurait eu le mérite, néanmoins, de démontrer la détermination présidentielle à affronter les faits dans la clarté d'un prétoire, à l'heure où les révélations sur les affaires de corruption se succèdent, impliquant des responsables au plus haut niveau. N H