Le FLN rappelle, pour sa part, que l'Exécutif ne peut révoquer des élus dont le mandat a été validé par le Conseil constitutionnel. Il traîne déjà la réputation de “l'homme des sales besognes” et voilà qu'il se découvre une nouvelle vocation : remettre en cause ce que la plus grande institution judiciaire, le Conseil constitutionnel, a validé. En décidant de contracter un accord avec les “délégués” de l'aile dialoguiste du mouvement des archs pour “révoquer” des élus, dont l'élection du reste est sujette à discussion, Ahmed Ouyahia vient de porter sans nul doute un sérieux coup à la crédibilité des institutions. Et le premier à le relever est le Front des forces socialistes (FFS) de Hocine Aït Ahmed dont le parti est le premier concerné par cet accord. “Le pouvoir vient de franchir une nouvelle étape dans son œuvre machiavélique de remise en cause de l'ensemble des instruments indispensables à la construction et à la promotion de la démocratie”, note le FFS dans un communiqué rendu public hier. Mais au-delà de ce qui s'apparente à un véritable camouflet à la République, la démarche d'Ouyahia, comme d'aucuns le soupçonnent, obéit à des schémas de pensées électoralistes. On ne peut valablement décider de “révoquer” des élus issus d'élections que le pouvoir avait, lui, imposé contre la volonté de la population sans le risque de mettre au jour ses propres contradictions et les enjeux politiques y afférents. Ce qui révèle, aujourd'hui, qu'il a toujours privilégié les calculs politiciens au détriment d'une vision claire de sortie de crise. À quelques semaines de l'élection présidentielle, si le pouvoir, incarné par Ouyahia, a décidé de concéder la demande des “délégués” de l'aile dialoguiste, c'est au mieux disqualifier la classe politique fortement implantée en Kabylie, notamment le FFS et le RCD, tirer quelques dividendes politiques et au pire neutraliser l'électorat kabyle. Un scénario qui n'a pas échappé aux yeux du FFS. “L'arrangement qui vient d'être concocté entre les services du Chef du gouvernement et les délégués chargés de mission en Kabylie participe de la mise en place du dispositif politico-administratif nécessaire à l'assaut imminent qui se profile contre la République. Les prémices d'un recours au gangstérisme électoral à l'occasion de la prochaine élection présidentielle se précisent”, note-t-il. Pis, l'objectif, semble-t-il, vise, selon lui, à rendre opaque la scène politique. “En définitive, l'objectif inavoué consiste à rendre impossible la visibilité d'une alternative démocratique. La scène politique est déjà chargée de manœuvres destinées à entretenir la confusion la plus totale quand toutes les médiations politiques et sociales se trouvent dans la ligne de mire de ce qui s'apparente à un plan de dissolution de toutes les différenciations”, écrit-il encore. Le pouvoir a-t-il mesuré les conséquences d'une telle démarche ? Le parti d'Aït Ahmed tire déjà la sonnette d'alarme. “Conscient des évolutions dangereuses, poursuit-il, de la situation, le FFS prend à témoin l'opinion publique et interpelle les décideurs sur les graves dérapages qui peuvent découler de ce deal”. Tout comme il met en garde “les clans qui seraient tentés de relancer la machine meurtrière en Kabylie et qui risque de mener à la dislocation de la nation tout en livrant la Kabylie à des vendettas aux conséquences incalculables”. Autant le parti d'Aït Ahmed appelle ses militants à la vigilance “pour ne pas se laisser entraîner dans l'aventure et les conflits fratricides”, autant il réitère la nécessité d'une solution politique et d'un dialogue franc entre les acteurs politiques et sociaux et les décideurs. L'incongruité de la démarche d'Ouyahia est aussi relevée par le FLN. Pour le chef du groupe parlementaire de la formation de Benflis, Abbès Mekhalif, s'il rappelle que son parti a toujours plaidé pour le dialogue, n'en fait pas moins observer que l'Exécutif ne doit pas s'ingérer dans les affaires du législatif et qu'à ce titre, “le mandat des députés validé par le Conseil constitutionnel et l'APN ne peut être révoqué que par une dissolution de l'Assemblée, la démission des députés, en cas de décès ou de levée de l'immunité parlementaire”. C'est dire donc que Ouyahia, en évacuant du débat sur des questions sensibles la classe politique, il risque de provoquer l'inverse de l'effet escompté. K. K.