Dans cet entretien, le premier responsable du secteur aborde la réforme hospitalière, la politique de remboursement ainsi que la problématique de l'industrie pharmaceutique nationale. Liberté : Comment analysez-vous la politique du médicament ? Pr M. Redjimi : Je suis là pour normaliser et non pour interdire. Par contre, je maintiens l'interdiction à l'importation de 129 médicaments parce qu'ils sont produits localement. Pour le moment, nous sommes en train de faire le point pour nous assurer que ces médicaments sont disponibles en stocks suffisants pour une période de 6 mois. Si cela n'est pas assuré, je libèrerai l'importation pour le médicament concerné afin bien sûr d'endiguer la pénurie. Donc, que les choses soient claires, je n'ai pas libéré ces médicaments. Il y a une décision datant de septembre. Pour ce qui est des importateurs interdits, sachez que je ne bloque personne. Il y a une réglementation qui stipule que ne peut être importateur que celui qui s'engage à investir suivant un cahier des charges dans les délais requis et donc à passer au stade de la production. Que faisons-nous si on voit que, 10 ans après, les gens ne produisent rien et restent dans l'import en revenant à chaque fois par des circuits autres en dehors de ceux réglementairement établis. Nous n'avons pas besoin de projets d'intention, mais nous voulons des projets de production réels. Nous sommes prêts à aider ceux qui ont une réelle intention de produire et de leur accorder des dérogations ou délais de grâce si, tant il est prouvé que leur projet d'investissement se trouve souffrant de retards objectifs et justifiés. Actuellement, il y a en Algérie une production de médicaments de très bon niveau, notamment les génériques. La consommation du médicament est estimée à 600 millions de dollars annuellement alors que l'importation est évaluée à 400 millions de dollars. C'est un marché juteux et alléchant qui intéresse énormément. Il y a 50% d'unités ventes fabriquées en Algérie qui représentent 20% de la consommation nationale en médicament. Nous avons une belle industrie nationale représentée par Saïdal et des opérateurs privés. Les choses avancent à telle enseigne que les consommables de la dialyse par exemple sont fabriqués totalement chez nous. Je suis certes sensible à la production, mais je le reste aussi pour ce qui est de la pénurie. Vous savez que dans la liste des médicaments interdits, il y a une vingtaine de paracétamol, devenu du gâteau pour certains importateurs. Qu'en est-il du comité technique de remboursement ? Ce comité vient d'être remis en place et réactualisé notamment dans sa composante. Sachant qu'il n'a pas été revu depuis 1986 et que la loi qui le régit existait bien avant l'ouverture du secteur. C'est encore un autre chantier à gérer. Je vous rappelle que dans la politique du remboursement des médicaments, on rembourse au prix du générique le plus bas produit en Algérie. C'est vrai qu'il y a eu des failles. Nous dirons également qu'il faut soulager la durée de remboursement des médicaments nouveaux en trouvant de meilleurs raccourcis. Où en sommes-nous avec le chantier de la réforme hospitalière et de la reprise en main des services des urgences ? Les urgences sont effectivement un grand chantier que nous avons lancé. Il y a des choses à mettre en place rapidement, telles que les équipements et la disponibilité des structures. Pour la pédiatrie, par exemple, on enregistre un grand nombre de structures d'urgences (Beni Messous, Mustapha, Parnet et Aïn taya). C'est vrai qu'il y a un problème dans les urgences, mais on y travaille. À titre d'exemple, au niveau des urgences cardiaques, on a multiplié les centres d'intervention au niveau de Mustapha, de Parnet et du CNMS où la prise en charge du malade est sérieusement engagée. Il faut savoir que, globalement, la réforme hospitalière doit être comprise comme d'abord des actions d'humanisation des hôpitaux, l'accès aux soins, l'équité et la modernité. C'est tout un programme que nous sommes en train de mettre en place. Il commence par la carte sanitaire, la contractualisation en passant par la politique du médicament, des équipements et des ressources humaines et bien sûr de la recherche. Le but étant d'arriver à améliorer l'accès aux soins et le niveau des soins par cette option de contractualisation. Il y a 17 centres pilotes retenus en 2003, pour cette opération, et des actions d'évaluation sont en cours, afin de prévoir une contractualisation générale de l'ensemble des grandes structures à la fin 2004. La contractualisation permet de redéfinir le fonctionnement et la gestion des hôpitaux qui suivaient jusque-là une politique dépensière, et c'est pourquoi nous avons prévu des comités de nomenclature, de codification et de remboursement. Le meilleur exemple sera concrètement donné par le nouvel hôpital d'Oran qui sera géré comme une entité économique et devra répondre aux besoins en termes de soins et surtout les soins de haut niveau. Pour cet hôpital, par exemple, nous avons fait appel à de grandes personnalités médicales. Nous envisageons de réaliser cet hôpital en partenariat avec les Belges et nous comptons nous associer avec l'hôpital de Paris et Montpellier dans le domaine scientifique. Actuellement, le budget de l'Etat supporte à 60% les dépenses de santé et 30% pour la caisse nationale de sécurité sociale. Notre but n'est pas de faire payer le malade, mais d'aboutir à la normalisation de la prise en charge du malade, que ce soit en termes de paiement ou de soins prodigués. Pour l'hôpital d'Oran, nous sommes en partenariat avec une équipe médicale parisienne de renom, spécialisée dans la chirurgie cardiaque. Celle-ci devra nous accompagner durant cinq années. Nous sommes, également, en train d'investir dans la mise à niveau des plateaux techniques (blocs opératoires et labos, etc. ) où pas moins de 20 milliards de dinars ont été injectés. Si l'hôpital est géré comme une entité économique cela veut-il dire que le malade devra payer, désormais, ses soins à l'hôpital ? Le malade travaille. Il cotise et c'est pour cela que je vous ai cité les comités de remboursement, de codification, etc. Le malade doit savoir que 80 % de ses soins seront payés pratiquement par la CNAS à l'avance, et les 20% restants seront pris en charge par les mutuelles. Tout le chantier passe par la maîtrise de l'identifiant social pour savoir qui est assuré et qui ne l'est pas. Il faut avant tout arriver à avoir une identité pour la santé. Il est nécessaire de mettre en place cet identifiant social et d'engager des conventions un peu partout pour que la CNAS paye directement. Il ne faut pas oublier que les hôpitaux devront fonctionner avec un budget réel, c'est-à-dire que s'ils travaillent, ils en tireront un meilleur budget et, dans le cas contraire, ce sera à leurs dépens. C'est presque une politique de mise en concurrence entre eux qu'on souhaite instaurer au bénéfice bien sûr du malade. Cela permettra, aussi, de résoudre le malaise dont vous parlez au niveau des urgences. Où en est la grève des spécialistes de la santé publique ? Nous avons tenu une réunion avec le syndicat des spécialistes de la santé publique pour éclaircir la situation et se redonner des orientations de discussion. On a abordé le problème des mesures transitoires de l'intégration des anciens spécialistes dans les grades qui leur conviendraient en fonction de leur ancienneté. Et j'ai reposé le problème du décret présidentiel qui soumet la progression à concours. Donc, il ne faut pas comparer l'incomparable puisque les progressions dans les autres secteurs ne sont pas soumises à des concours. Pour aller vers un nouveau texte, il faut beaucoup de temps et le résultat n'est pas assuré. Ceci dit, j'ai accepté l'idée du concours et j'ai même admis la participation du syndicat à sa préparation et au jury. Car j'estime qu'on n'est pas là pour imposer mais plutôt pour discuter. Il faudrait d'abord que le syndicat accepte l'idée du concours pour avancer dans les négociations. Il y a une autre proposition émanant respectivement du ministère du travail et du Conseil national de déontologie médicale qui prévoit d'appliquer l'ancienneté à ceux qui ont obtenu leurs diplômes avant 1990. Or, les négociations butent encore sur ce point. Ce qui n'est pas à mon avis le plus important, car il concerne uniquement une partie de la promotion. On est tenu de trouver une solution ensemble et le plus tôt possible. Il y a eu une grande panique suite au décès de malades qui seraient atteints d'une maladie respiratoire qui a vite été assimilée au Sras. Est-ce exact ? On est dans une période hivernale où l'on relève le développement de plusieurs pneumopathies et grippes. En réalité, on a été confronté à une situation où on a enregistré 5 décès, quatre algériens et un Chinois. Pourquoi il y a eu la panique ? Parce que le 22 décembre dernier, deux personnes se sont présentées à l'hôpital Mustapha, l'une d'elles est guérie alors que la seconde a succombé. Entre-temps, nous ne sommes pas restés inactifs et nous avons déclenché une enquête épidémiologique, clinique et environnementale sur les lieux. On relève que les deux Chinois n'ont pas quitté le territoire national depuis plus d'une année, donc ils ne pouvaient pas importer le virus du Sras. Tout le reste de l'enquête ne se présente pas dans le même tableau thérapeutique que le Sras. D'ailleurs, les personnes décédées présentaient des cas de pneumopathie qui ont évolué de façon sévère et fatale. Sur le plan clinique et biologique, ces cas n'ont pas le même tableau non plus. Ceci dit, la cellule de veille installée est en train de faire des recherches et enquêtes sur le terrain pour étudier ces cas. En complémentarité, nous avons mis en place une autre cellule de veille pour réaliser une enquête scientifique afin de donner la conduite pratique à tenir et le schéma thérapeutique adéquat. Cette commission est composée de scientifiques, de responsables centraux et de toutes les disciplines concernées par cette pathologie. M. F. et A. W.