C'est le constat établi hier à l'occasion d'un colloque organisé par l'université de Tizi Ouzou. Lors de ce colloque intitulé "Les violences conjugales à l'égard des femmes : phénomène tabou — entre silence et reconnaissance", les participants ont souligné d'emblée que ce phénomène a été longtemps occulté, car relevant de la sphère privée et parce que c'est la loi du silence qui prévaut, il n'en demeure pas moins qu'il est actuellement connu et de plus en plus médiatisé et les récentes enquêtes attestent, ont-ils estimé, son ampleur et notamment celle de ses conséquences dévastatrices. D'où alors, pour les participants à ce colloque, la nécessité d'analyser le traitement juridique et judiciaire actuel en droit algérien ainsi que les lacunes et les insuffisances qu'il présente. Pour Ounissa Daoudi, maître de conférences à la faculté de droit et des sciences politiques de Tizi Ouzou, il est aujourd'hui d'une importance capitale de mettre la lumière sur ce phénomène, d'éclaircir et d'expliquer cette forme de violence et de connaître ses causes car, a-t-elle estimé, la violence conjugale, bien qu'elle s'exerce dans le cadre d'une relation privée, regarde la société. "Sa reconnaissance tardive en tant que problème de société n'a fait que susciter des débats parfois houleux et souvent embrouillés, confondant notamment, d'une part, les violences conjugales aux disputes ou les conflits conjugaux et, d'autre part, les causes et les mécanismes des violences conjugales", a-t-elle déploré en ce sens non sans noter, toutefois, l'évolution du concept de violence à l'égard des femmes qui était, au début des années 1970, largement associé aux "femmes battues" car ne prenant en considération que les violences physiques, et qui a pris aujourd'hui un sens plus large sous l'appellation de "femmes victimes de violences ou femmes violentées" qui prend en considération d'autres formes de violence. Au cours de sa communication, Djouher Tizi Bouali de la faculté de droit de Tizi Ouzou, a argumenté la nécessité d'une lutte accrue contre ce phénomène par l'ampleur de ses effets qu'elle a qualifiés de "dévastateurs" sur la santé des femmes et le recours fréquent des victimes à d'autres alternatives plus dangereuses telles que la consommation d'alcool, de drogue psycho-actives, d'analgésiques, antidépresseurs et hypnotiques. Des femmes dont la prise en charge coûte ensuite deux fois et demie plus cher à la société que celle des autres femmes, selon l'OMS. L'urgence d'agir se justifie notamment par le nombre de victimes qui est de 5 700 femmes battues en 2012 en Algérie et dont 261 ont trouvé la mort, selon les statistiques de la Police judiciaire de la gendarmerie. Malgré cela, les universitaires, Rachida Ali Ahmed et Mohamed Tadjer, ont constaté que les circonstances aggravantes sont consacrées pour violence commise par un conjoint mais celle-ci se limite à l'administration d'une substance nuisible à la santé et la contrainte à se prostituer, tandis que les autres actes de violence sont sanctionnés à l'instar de tous ceux commis par quiconque, sans prendre en considération la qualité de l'auteur d'agression. Pour ces conférenciers, la loi doit plutôt intégrer toutes les dimensions du phénomène de violence conjugale au-delà des violences physiques, et ce, en prévoyant des sanctions adaptées pour les auteurs des violences conjugales, et prendre en compte les conséquences sur les enfants et imposer des efforts de prévention et d'éducation. C'est en ce sens, a souligné Faroudja Moussaoui, de l'association Amusnaw, qu'un plaidoyer pour une loi particulière sanctionnant les violences à l'encontre des femmes a été lancé en avril 2010. Ainsi a-t-elle rappelé, un projet de loi a été déposé auprès du Parlement qui l'a inscrit dans son agenda le 25 janvier 2012. S L Nom Adresse email