Quelle leçon faut-il tirer des cinquante ans de développement de l'Algérie ? Quels sont les enjeux et les défis de l'économie algérienne ? Quelles sont les conditions d'une relance effective ? Autant de questions débattues, hier, par des experts lors d'une table ronde sur le thème "Les politiques économiques de l'Algérie, 50 ans d'indépendance : les leçons dégagées et les nouvelles orientations", présidée par le secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargé de la Prospective et des Statistiques, Bachir Messaitfa, au niveau du pavillon U au Palais des Expositions-Safex à Alger. Pour paraphraser le professeur Abdelmadjid Bouzidi, l'Algérie, qui devait vaincre le chômage dès les années 1980 et atteindre le niveau de développement de l'Espagne, est loin, très loin, de ces objectifs que s'était fixés la stratégie adoptée en 1966. "La jeunesse algérienne d'aujourd'hui vit de grandes angoisses et d'intenses questionnements, les mêmes certainement que ceux vécus par la jeunesse des années 1960, avec le bonheur de la victoire sur le colonialisme en moins", avait écrit le professeur Abdelmadjid Bouzidi dans "ses éclairages sur l'économie algérienne". Tout le monde s'accorde à dire que l'Etat algérien a consenti d'énormes investissements. Cependant, les taux de croissance tirés de ces investissements "restent globalement modestes". La bonne santé macroéconomique et les réformes structurelles dans de nombreux domaines ne parviennent pas à entraîner de manière irréversible l'économie vers la croissance. Les facteurs de vulnérabilité de l'économie (diversification de plus en plus faible du PIB et des exportations, aggravation de la dépendance de la balance des paiements et du budget de l'Etat à l'égard des revenus pétroliers et poids accru de l'Etat dans l'économie) se sont renforcés. Faisant la rétrospective des actions du développement entrepris en Algérie, un expert a rappelé que dans un bilan officiel, l'expérience de l'industrie industrialisante a échoué. "C'est un bilan de l'Etat sur une expérience faite par l'Etat. Il n'émanait pas de partis d'opposition", a-t-il souligné. Que dit le bilan ? Le document, de 383 pages, donne un certain nombre d'indicateurs, sur le plan quantitatif et sur le plan qualitatif, qui attestent que l'expérience de développement des années 1970 a échoué. Fort de ce constat des ajustements, le gouvernement a tenté d'opérer durant les années 1980. Le contre-choc pétrolier de 1986 a porté un coup dur à une économie quasiment rentière. Le programme d'ajustement structurel des accords avec le FMI a conduit à la disparition de 813 entreprises dissoutes et la perte d'un million d'emplois. Avec la hausse continue du prix du pétrole dans les années 2000, l'Algérie a pu construire une certaine performance macroéconomique. Mais au niveau microéconomique, beaucoup reste à faire. Un économiste évoque l'absence des aspects immatériels de la croissance. Devant l'ampleur des enjeux, des impératifs et défis de l'heure et face aux vulnérabilités qui peuvent affecter le pays, il est nécessaire de réquisitionner le modèle de développement suivi jusque-là et saisir les nouvelles opportunités pour s'inscrire dans une vision d'avenir. Le régime de croissance actuel demeure fortement marqué par le poids du secteur des hydrocarbures, en dépit des tentatives d'ajustement et de réforme. Un économiste estime que l'Algérie se retrouve dans une crise de type "gramscienne". En Algérie, la formule d'Antonio Gramsci "L'ancien se meurt, le nouveau ne parvient pas à voir le jour : dans ce clair-obscur, surgissent les monstres" prend vraiment tout son sens. Pour l'intervenant, la transition doit être raccourcie, estimant que les éléments de décollage sont disponibles, "il suffit de les ramasser". M. R. Nom Adresse email