10 juin 1960. Un jour de calendrier qui ne rappelle rien. Du moins quant on veut occulter certains évènements liés à l'histoire de la Révolution algérienne. C'est pourtant ce jour-là que trois responsables militaires de la Wilaya IV historique furent reçus par le général de Gaulle à l'Elysée pour négocier un cessez-le-feu. Il s'agit du colonel Mohamed Zamoum, dit Si Salah, et de ses adjoints Si Lakhdar (responsable politique) et Halim (liaisons générales). Si Salah, alors commandant la Wilaya IV, était convaincu que l'indépendance du pays dépendait de l'intérieur, car étant envoyé à Tunis rencontrer les responsables du GPRA, il était revenu très déçu du train de vie mené par ces derniers pendant que les maquisards manquaient cruellement de logistique. Il faut dire que les forces coloniales, conduites par Challe, avaient tout utilisé pour isoler les populations de l'ALN par la pratique d'arrestations, massacres et autres exactions. Le Forum de la mémoire et Machaâl Echahid sont revenus hier sur cet épisode, mais aussi sur le parcours du colonel Si Salah dans une conférence animée par le fils de ce dernier et l'un de ses proches, en l'occurrence le commandant Lakhdar Bouragaâ qui a vécu les derniers moments du chahid. Rabah Zamoum, auteur du livre Si Salah, mystère et vérités, a rappelé par ellipse l'énigme qui enveloppe la mort de son père intervenue une année après avoir pris l'initiative des dites négociations avec de Gaulle. Une décision que le GPRA n'a pas accepté, se sentant pris de court. À Tunis, alors qu'il effectuait une mission pour exposer la situation catastrophique qui prévalait au niveau des maquis, Si Salah a littéralement refusé les propositions alléchantes du GPRA, comme il a rejeté auparavant la proposition de Boumediene d'être son adjoint à l'état-major général. "Je ne suis pas dans ma peau ici, je préfère être aux côtés des maquisards, répondit Si Salah", dira Rabah Zamoum. Profondément dépité par ce qu'il a vu à Tunis, il adresse un message aux responsables du GPRA leur reprochant d'avoir interrompu radicalement tout acheminement de compagnies et de matériels. Ce à quoi il a réagi par : "Nous ne pouvons plus, en aucune manière, assister les bras croisés à l'anéantissement progressif de notre chère ALN." Un message, on ne peut plus clair quant à la suite que prendront les évènements. "L'homme dérangeait-il ?", s'est souvent interrogé Rabah qui avait déclaré dans une précédente conférence que "Si Salah et son groupe furent livrés à l'ennemi, puisque l'itinéraire qu'ils avaient pris (pour Tunis, ndlr) serait différent de celui prévu". Le conférencier s'est également montré très en colère contre les propos de certains à l'encontre de son père dont Youcef El-Khatib (Si Hassane). L'autre figure emblématique de la Wilaya IV et non moins compagnon d'armes de Si Salah, le commandant Lakhdar Bouragaâ, a, pour sa part, longuement disserté sur le parcours de ce dernier. Connu pour son franc-parler mais aussi pour son aversion à l'égard de certains responsables politiques du pays avec qui il a eu des déboires, Bouragaâ commence d'emblée à laver Si Salah de l'affaire des négociations, précisant que le colonel de la Wilaya IV a réussi à tromper de Gaulle avec sa proposition. "Erreur que de Gaulle payera par la suite", commentera-t-il. Pour avoir bien côtoyé Si Salah, il dira que celui-ci savait, à la suite de cette affaire, qu'il allait mourir. "Il voulait préparer sa mort dignement, les armes à la main", confie le commandant Bouragaâ, non sans une pointe d'amertume : "La Révolution a fait du mal à ses enfants." La dernière anecdote qu'il garde du chahid se passe au niveau de "Ruisseau des singes", près de la Chiffa. Les deux hommes ayant miraculeusement échappé à une embuscade, Si Salah, qui constate quelque temps après qu'il avait perdu sa montre, dit à son compagnon : "Je ne crois pas à la mythologie mais la perte de cette montre me dit que mon heure est venue." Il mourra, en effet, quelques mois plus tard, en juillet 1961 les armes à la main au cours d'une embuscade tendue par l'armée française à Saharidj, près de M'chadellah dans la wilaya de Bouira. Né en 1928 à Aïn Taya, d'un père instituteur, il milite dès son jeune âge au sein du PPA, MTLD, l'OS avant de rejoindre les rangs de l'ALN dès Novembre 1954. En 1958, il succède au colonel Si M'hamed Bougara à la tête de la Wilaya IV. Longtemps oublié par le système politique algérien, le colonel Si Salah a été l'un des chefs les plus actifs et les plus engagés de la Révolution au niveau de la Wilaya IV. A F Nom Adresse email