Est-il nécessaire de trouver des "victimes" aux dernières décisions de restructuration organique de l'armée, du gouvernement et du parti — c'est peut-être ainsi qu'il faut désigner un FLN qui n'a pas perdu sa vocation de principal appareil politique du pouvoir — prises par Bouteflika ? Si le DRS a laissé une partie de son droit de regard tacite dans la répartition de la rente et une part de son influence en perdant le contrôle d'instruments d'intervention dans la vie politique et économique du pays, l'armée, en général, n'est pas près de perdre ses prérogatives extrapolitiques. Pour deux raisons : d'une part, l'état d'illégitimité du pouvoir formel et contesté en fait un indispensable et ultime rempart contre une contestation souvent sourde, mais réelle et multiforme ; d'autre part, l'Algérie a été empêchée d'accéder à l'âge politique de la légitimité démocratique et populaire, condition nécessaire pour se permettre de "renvoyer l'armée dans les casernes". S'agissant du FLN, il a traditionnellement et régulièrement été repeint aux couleurs du clan en charge du pouvoir exécutif. Quant au gouvernement, il a été restructuré pour prendre l'allure évidente d'un gouvernement de campagne, même si, dans notre système, le terme campagne est impropre pour désigner la manière dont un pouvoir se prépare à se pérenniser. Il est significatif que "le parti" et "le gouvernement" soient commandés par deux anciens directeurs de campagnes électorales et que le nouvel Exécutif compte pas mal d'anciens responsables d'une administration connue pour sa "neutralité". Les conditions sont ainsi réunies pour que le Président puisse enfin se donner la Constitution qu'il ne s'est donnée qu'à moitié en 2008, quand "le poids des engagements autant que les priorités nationales ou encore la multiplicité des consultations ont empêché la réalisation de cet objectif et imposé de ce fait de la pondération", disait-il dans son discours de rentrée judiciaire 2008. Malgré cette pondération, la "réforme" avait permis à Bouteflika de mettre fin aux "interférences entre les différents pouvoirs dans la pratique de leurs missions" et "d'introduire certains correctifs urgents à quelques dispositions de la Constitution (...) pour garantir une plus grande maîtrise dans la gestion des affaires de l'Etat". En réglant le problème d'une supposée "dualité" à la tête de l'Exécutif pour aboutir à "un pouvoir exécutif" qui "doit être fort, uni et cohérent" et en permettant "au peuple d'exercer son droit légitime à choisir ses gouvernants et à leur renouveler sa confiance en toute souveraineté, tant il est vrai que nul n'a le droit de limiter la liberté du peuple dans l'expression de sa volonté", la Constitution a réuni les conditions d'exercice d'un pouvoir personnel et durable. Il restait à trouver les moyens d'éliminer les possibles interférences extraconstitutionnelles et peut-être à organiser la pérennité du régime. Ce sera l'œuvre de la Constitution en gestation depuis plus de deux ans et demi. Loin de favoriser une évolution vers un fonctionnement démocratique de l'Etat, les soubresauts qu'expriment les changements en cours dans les institutions laissent apparaître un objectif de concentration autoritaire de ce fonctionnement. Ces modifications concernent l'équilibre interne d'un système inchangé et inchangeable par lui-même. M. H. [email protected] Nom Adresse email