A moins de six mois de la fin de son mandat, le président Bouteflika a annoncé hier son intention de réviser la Constitution, non pas par voie référendaire mais par voie parlementaire, dans le but surtout de faire voler l'obstacle qui bloque sa volonté de se succéder à lui-même pour un troisième mandat en avril 2009. Pour lui, il s'agit juste de « correctifs urgents à quelques dispositions de la Constitution pour garantir une plus grande maîtrise dans la gestion des affaires de l'Etat », précisant toutefois que rien ne l'empêche de faire appel au peuple pour d'autres éventuels changements. Le choix de la Cour suprême, à l'occasion de l'ouverture de l'année judiciaire 2008-2009, n'est pas fortuit vu la symbolique de cette haute institution judiciaire. Le président Bouteflika a tenté d'expliquer le retard enregistré depuis qu'il a exprimé son vœu d'amender la Constitution en 1999, puis en 2004, en disant que malgré sa « profonde conviction » pour un changement constitutionnel « dans les meilleurs délais, le poids des engagements autant que l'accumulation des priorités nationales et la multiplicité des consultations ont empêché la réalisation de cet objectif et imposé de ce fait de la pondération ». Il a souligné que durant ses deux mandats, « les préoccupations étaient toutes concentrées sur la lutte antiterroriste, la consécration de la politique de concorde civile et de réconciliation nationale et la prise en charge des effets de la tragédie nationale (...) ». Mais, a-t-il ajouté, « les interférences entre les différents pouvoirs dans la pratique de leurs missions » l'ont poussé à abandonner la voie référendaire et imposé, de ce fait, la nécessité d'opter uniquement pour des « correctifs urgents ». Pour le Président, étant donné « les engagements prioritaires et les défis de l'heure », il est apparu nécessaire de procéder à des amendements « partiels et limités, loin de la profondeur, du volume et même de la forme » qu'il souhaitait et qui auraient dans ce cas imposé la voie référendaire. « J'ai préféré recourir aux dispositions de l'article 176 de la Constitution, éloignant l'idée de la révision constitutionnelle par voie référendaire mais sans pour autant l'abandonner. Il sera donc proposé au Parlement, après avis motivé du Conseil constitutionnel, d'enrichir le système institutionnel avec les fondements de la stabilité, de l'efficacité et de la continuité ». En fait, la révision, a précisé le Président, a pour but « de conférer une plus grande cohésion à notre système politique en enracinant des fondements aux repères clairs, en déterminant encore plus les responsabilités, en mettant fin au chevauchement des prérogatives et à la confusion des concepts. Tout cela consolidera les capacités de l'Etat pour le rendre fort et homogène et lui permettre de relever les défis du développement, d'affronter les dangers de la mondialisation et d'atteindre au développement et à la prospérité ». Les trois axes de la révision Ces amendements s'articulent autour de trois points. D'abord, permettre au Président de se succéder autant de fois qu'il le désire à travers l'abrogation de l'article qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels. Selon Bouteflika, cet amendement « permettra au peuple d'exercer son droit légitime à choisir ses gouvernants et à leur renouveler sa confiance en toute souveraineté, tant il est vrai que nul n'a le droit de limiter la liberté du peuple dans l'expression de sa volonté, car la relation entre le gouvernant élu et le citoyen électeur est une relation de confiance profonde, réciproque, basée sur le choix populaire, libre et convaincu ». Le Président a estimé que l'alternance au pouvoir émane du libre choix du peuple lui-même lorsqu'il est consulté en toute démocratie et en toute transparence, au travers d'élections libres et pluralistes. « Au peuple et au peuple seul revient le pouvoir de décision », a-t-il noté. Le deuxième changement proposé a trait à « la réorganisation, la précision et la clarification des prérogatives et des rapports entre les constituants du pouvoir exécutif sans pour autant toucher aux équilibres des pouvoirs ». Un amendement qui part du principe, a-t-il ajouté, qu'un pouvoir exécutif « doit être fort, uni et cohérent, à même d'assumer ses responsabilités et de décider avec célérité et efficacité de sorte à éviter les dualités et les contradictions et de dépasser les effets négatifs induits par l'incapacité à coordonner certains programmes ». Selon lui, « ces dualités et ces contradictions conduisent finalement à l'émiettement et à la dissolution de la responsabilité et au chevauchement des décisions, induisant par la même un retard dans l'exécution des programmes et la réalisation de nos projets portant ainsi atteinte aux intérêts du peuple et de la Nation ». Le troisième axe de la révision constitutionnelle concerne la protection des symboles de la Révolution afin que « nul ne puisse y toucher, les altérer ou les manipuler, et ce, en leur conférant la place constitutionnelle qui leur est due ». Enfin, les autres dispositions proposées ont trait à la promotion des droits politiques de la femme et à l'élargissement de sa représentation dans les assemblées élues.