Y a-t-il une véritable politique de l'emploi en Algérie ? Le plan antichômage appliqué en 2008 a montré, cinq ans après, ses limites. Une série d'émeutes et de constatations liées à l'accès à l'emploi ont détérioré ces trois dernières années le climat social, remettant en cause l'efficacité de ces mesures. Des tensions récurrentes qui menacent toujours la stabilité du pays. En fait, ces frondes sociales manifestent un véritable drame collectif : des centaines de milliers de jeunes diplômés sans emploi, en raison de l'inadéquation entre l'offre de formation et les besoins du marché du travail, ont perdu espoir en leur pays, leurs dirigeants, et ne rêvent que d'exil. Des milliers de brillants jeunes ingénieurs, techniciens ou licenciés n'arrivent pas à trouver de travail faute de "piston". En d'autres termes, le népotisme dans l'accès à l'emploi constitue aujourd'hui une forme de ségrégation sociale telle qu'elle se situe à contre-courant des principes fondateurs de la Révolution : ceux de justice et d'égalité des chances. La fuite de nos meilleurs étudiants vers l'étranger constitue aujourd'hui une hémorragie que l'économie nationale paie au prix fort. L'absence de main-d'œuvre qualifiée dans le secteur industriel de la construction constitue également l'autre face grise de cette équation offre-demande d'emploi. En bref, nous assistons à une inquiétante crise de l'emploi en Algérie. D'abord, les systèmes de formation professionnelle et d'enseignement supérieur en Algérie ne sont pas adaptés à la demande des entreprises. Ce qui dénote un large hiatus entre les contenus de formation et les réalités des ateliers, usines et différents chantiers. Ce qui également freine les choses dans cette équation, l'économie nationale n'est pas véritablement tournée vers le développement du secteur productif mais vers l'importation, comme l'explique si bien notre chroniqueur. Cette situation renvoie également au climat des affaires. Nous avons affaire à un tissu économique constitué quasiment de très petites entreprises (TPE). Très peu se transforment en PME. Et peu de petites et moyennes entreprises se muent en grandes entreprises. L'Etat en somme n'encourage pas concrètement le développement des entreprises et la création annuelle d'un nombre beaucoup plus important de PME, notamment dans la sous-traitance, les nouvelles technologies de l'information, les secteurs industriels à haute valeur ajoutée, les services (bureaux d'études, sociétés d'ingénierie). On a oublié dans les politiques publiques actuelles le grand gisement d'emplois que peut générer la constitution de champions, ces locomotives tirant vers elles des milliers et des milliers de petites et moyennes entreprises. On a oublié aussi que les centres de formation professionnelle, les universités et les grandes écoles peuvent être de grands réservoirs, de grandes pépinières de création de jeunes entreprises. Libérer l'emploi en Algérie, c'est aussi libérer l'initiative privée, libérer ces milliers de projets bloqués par le pouvoir central ou par différentes wilayas du pays et qui peuvent créer des centaines de milliers d'emplois. En définitive, on a une crise de l'emploi en Algérie parce qu'on n'a pas une véritable politique de l'emploi en Algérie. On continue à développer la prédominance des dispositifs d'attente, des emplois précaires, au détriment de l'emploi permanent, des recrutements en masse de la Fonction publique. Qu'adviendra-t-il quand dans cinq, dix, vingt ans, les primodemandeurs d'emploi qui arrivent sur le marché du travail seront nettement plus importants qu'aujourd'hui ? K. R [email protected] Nom Adresse email