La problématique de la relation formation/emploi a été et sera toujours au cœur des problèmes de l'emploi et de la compétitivité dans une économie. Il est maintenant établi que la qualité de la ressource humaine est un facteur décisif, voire critique, dans la formation compétitive des entreprises. Il est vrai aussi que l'excellence dans la formation supérieure est d'autant plus utile que le système de production se situe à la frontière technologique, alors que l'éducation de base et la formation professionnelle de qualité sont utiles lorsque le système de production est éloigné de la frontière technologique. Comment faire pour que l'investissement dans l'éducation en général et l'enseignement professionnel et supérieur soit profitable à l'économie nationale ? C'est-à-dire former utile. Cette question a été abordée, il y a longtemps, par la branche de la théorie économique qui s'intéresse au capital humain, en particulier par le promoteur de ce courant, Gary Stanley Becker (prix Nobel d'économie 1992). Cette théorie repose sur l'idée qu'il existe un lien entre les investissements en capital humain et le développement économique, car ce type d'investissement permet d'accroître la compétence des individus, et donc leur productivité. Des travaux empiriques ont été menés dans les pays développés et valident cette thèse. Parmi les différents concepts de cette analyse figure la distinction entre les connaissances générales et la formation spécifique. Ce qui correspond aujourd'hui à la segmentation du système de formation en trois composantes : éducation générale de base, enseignement supérieur et formation professionnelle. Les arguments en faveur du capital humain sont de trois ordres : le mérite de ce courant de pensée est d'avoir attiré l'attention sur le fait que le travail n'est pas une grandeur homogène, ce qui a des implications importantes sur le marché du travail : une offre de travail qui ne trouve pas des demandeurs et inversement des demandes de travail sans offre en face. En Algérie, 37,5% des employeurs déclarent ne pas trouver les qualifications recherchées, pourtant une offre abondante est présente en permanence sur le marché. L'autre difficulté dans l'adéquation formation/emploi réside dans le fonctionnement du marché du travail. Ce marché est celui qui connaît le plus d'imperfection et celui aussi le plus institutionnalisé. Les impacts du capital humain sur le développement économique et social sont largement prouvés par des travaux empiriques sur plusieurs pays. Aussi, l'investissement sur le capital humain, et de façon plus directe le système éducatif et d'enseignement, est le plus producteur (diffuseur) d'externalités positives sur l'ensemble de la société. (Travaux de la WB, de l'Onudi, Unesco). Tous convergent pour dire qu'il n'y aura de croissance forte que si la société est capable d'aider chacun à trouver les domaines dans lesquels il peut être le plus heureux et le plus créatif. La croissance dépend à long terme du potentiel de la jeunesse, de sa confiance en elle-même, de son optimisme, de son goût de créer, de sa capacité à innover, enfin de son insertion professionnelle et personnelle au sein de la société. Le système universitaire algérien a été soumis de tout temps, depuis l'indépendance, à la pression démographique, particulièrement au cours des dix dernières années. Les flux entrants de plus en plus croissants ont contrarié les offres de places pédagogiques mais surtout la qualité de l'encadrement. Aujourd'hui, le système universitaire algérien est confronté à un double défi : La conciliation de la démocratisation de l'accès à l'enseignement supérieur et la qualité de la formation sous la contrainte d'une adéquation entre la formation donnée et la demande en compétences des secteurs socioprofessionnels ; au-delà de la problématique de la qualité intrinsèque de la formation, c'est la faible employabilité des jeunes diplômés qui est en cause. L'émergence d'un système national d'innovation n'est rien d'autre que l'interaction entre les entreprises, les universités et centres de recherche, portée par une organisation partenariale et des ressources publiques et privées dédiées (modèle dit du Triple Hélices). C'est dans la prise en charge de ces deux défis que l'on peut trouver des solutions aux jeunes diplômés. La réforme du système national de formation, codifiée par des lois d'orientation pour les trois segments du système (2008), a porté des réponses théoriques à la problématique générale sur l'adaptabilité, la flexibilité et l'ouverture du système à son environnement ; cependant, les modalités de mise en œuvre n'ont pas produit encore les effets attendus. L'idée dominante considérant le système éducatif comme seul responsable de la qualité de la formation ne peut être acceptée. En effet, si on demande à l'université de sortir de son statut d'université ex cathedra, on doit aussi exiger de ces partenaires (les employeurs) d'assurer le prolongement de sa fonction de production (formation) sur les lieux d'exercice des formés. Sur cette question, comme sur celle de l'innovation, le système productif algérien se caractérise par deux faiblesses structurelles : la faible taille des entreprises (96% sont des TPE) et leur éloignement de la frontière technologique. Les PME (à faible potentiel technologique) et les TPE trouveraient un intérêt à une articulation au système de formation professionnelle. Les réformes ont bénéficié d'un contexte budgétaire très favorable : les budgets publics n'ont jamais été aussi généreux : La réduction du chômage des diplômés dont le nombre ne cesse d'augmenter d'année en année (estimé entre 250 000 et 300 000 sortants par an) passera nécessairement, par la croissance forte de tous les secteurs économiques, le développement des entreprises en taille et en technologie, et la réduction du gap entre compétences exigées et compétences offertes. Sur ce dernier point, la mise en place d'une concertation forte entre les employeurs et les institutions de formation aiderait à améliorer l'adaptation des profils et des qualifications aux besoins des entreprises. Aussi la présence des enseignants-chercheurs versus la présence des employeurs dans les organes d'administration ou des comités stratégiques ou des politiques de ressources des entreprises améliorerait davantage cette relation. Pourtant, la réforme de l'enseignement supérieur (1998, amendée en 2008) qui institue le système LMD annonce des principes novateurs en matière d'adaptation des profils aux besoins de l'économie. Celle de la formation professionnelle (2008) et celle de l'éducation (2008) a introduit la Commission nationale des programmes à composition multisectorielle et celle de la formation professionnelle, elle, renforce le Conseil de partenariat pour la formation professionnelle. Du côté du monde des affaires, l'implication dans les processus d'évaluation des besoins et des qualifications est très faible. D'une part les entreprises algériennes, hormis les EPE et quelques PME privées à très fort potentiel, sont des TPE, et d'autre part, dans ces entreprises, l'investissement dans le capital humain n'est pas encore considéré comme un facteur clé de succès, du moins pour la formation supérieure. Par contre l'enjeu pour les entreprises algériennes, particulièrement les petites, est aujourd'hui dans les qualifications de base et d'encadrement intermédiaire, qui relèvent du secteur de la formation professionnelle. La croissance de qualité dépend de la qualité de la ressource humaine, et cette dernière dépend à la fois de la qualité de la formation stricto-sensu et de l'apprentissage en milieu professionnel. C'est dans une vision globale sur le développement des ressources humaines, articulée à une politique de croissance, et dans une perspective de gouvernance rénovée qui renforce la participation, la concertation et la transparence, que la problématique de l'adéquation formation/emploi trouvera une réponse appropriée. M. C. B. (*) Professeur d'économie institutionnelle et de management Nom Adresse email