"Il faudrait convenir que notre système de formation est en inadéquation totale avec le monde de l'entreprise", estime le président d'honneur du forum. Car "la formation ne répond pas aux besoins de l'économie", selon lui. Concevoir un véritable "plan Marshall" de mise à niveau de nos ressources humaines, choisir cinq ou six universités-pilotes, les jumeler avec les meilleures universités mondiales, ouvrir le secteur de l'enseignement supérieur au privé, promouvoir la création d'instituts supérieurs professionnels privés à proximité des zones industrielles, introduire une plus grande flexibilité dans le système de régulation des relations de travail. Ce sont, entre autres, les quelques propositions avancées hier par le Forum des chefs d'entreprise, lors de la seconde édition des Journées de l'entreprise algérienne, organisée, à l'hôtel El-Aurassi à Alger, sur l'emploi, la formation et l'employabilité. Le Forum des chefs d'entreprise a voulu, avant tout, attirer l'attention des autorités économiques ainsi que celle de l'opinion publique nationale, sur la nécessité pour notre pays de faire émerger un système d'éducation et de formation performant, connecté aux besoins de l'économie et apte à réagir avec flexibilité à ses besoins. "Il faudrait convenir que notre système de formation est en inadéquation totale avec le monde de l'entreprise. La formation ne répond pas aux besoins de l'économie", constate Omar Ramdane, président d'honneur du FCE. "Si nous voulons créer davantage de richesse, si nous voulons doubler ou tripler notre taux de croissance et offrir du travail à tous les Algériens, il faut certes investir beaucoup dans l'équipement, accomplir davantage d'efforts pour faciliter le développement des entreprises, mettre en place une véritable flexibilité qui donne plus de souplesse aux entreprises, améliorer le climat des affaires. Mais tout cela ne suffira pas ; il faut aussi et surtout investir dans la ressource humaine, concevoir et mettre en œuvre résolument des politiques renouvelées d'éducation, d'enseignement supérieur, de recherche et de formation professionnelle, pour garantir le développement de nos capacités créatives, de nos capacités compétitives et d'innovation", estime Omar Ramdane. Le FCE a annoncé "l'élaboration d'un livre blanc dont l'objet sera d'analyser avec réalisme et lucidité les limites actuelles de notre système d'éducation et de formation et de formuler des propositions sur les transformations qu'il serait nécessaire d'entreprendre pour permettre à notre pays de relever les défis économiques et sociaux auxquels il est confronté, pour demeurer à la hauteur des exigences de l'avenir et rester arrimé au mouvement de progrès universel". Mohamed-Chérif Belmihoub, professeur d'économie institutionnelle et de management, est convaincu que la reconfiguration de la gouvernance des établissements de formation pourrait être un levier dans l'amélioration de l'adéquation entre formation et emploi. "Une présence significative des employeurs dans ces organes renforcerait les liens et les échanges entre les deux secteurs et aiderait à améliorer l'adaptation des profils et des qualifications aux besoins des entreprises", estime-t-il. Aujourd'hui, regrette le professeur Belmihoub, le système de formation algérien vit en autarcie et en rupture avec son environnement économique. Ses organes d'administration et ses instances pédagogiques et de recherche sont totalement intra-muros. "Combien d'établissements de formation ont dans leur conseil d'administration ou d'orientation des chefs d'entreprise ? Combien de comités ou conseils scientifiques invitent à leurs réunions de façon régulière des responsables de la production ou de la recherche et développement des entreprises ?", s'interroge le professeur. Du côté du monde des affaires, l'implication dans les processus d'évaluation des besoins et des qualifications est très faible. "Les employeurs ne reçoivent pas correctement les stagiaires, en fin de cycle de formation. On a des difficulté à placer nos étudiants en stage", relève le professeur Belmihoub. Le directeur de recherche au Cread, Musette Mohamed-Saïb, a posé différemment la problématique du chômage en Algérie. "Il y a le chômage des jeunes, mais il y a aussi des jeunes qui sont découragés, qui ne sont ni dans l'emploi, ni dans l'éducation, 25% de la population en Algérie. Ils sont où ? Que font-ils ?" analyse M. Musette. Le directeur de recherche au Cread a voulu tordre le cou à certaines idées reçues. Pour lui, ce n'est pas le chômage en soi qui est le véritable problème mais la qualité de l'emploi. Dans sa communication, M. Musette indique que le secteur privé domine le marché du travail, mais avec l'offre des emplois temporaires notamment. L'emploi non permanent augmente, même si les données de 2011 montrent une reprise de l'emploi permanent. Une plus grande vulnérabilité est observée parmi les jeunes et surtout les filles. Le chômage des "filles diplômées" enregistre le taux le plus élevé. M. Musette indique que dans quelques années, le marché du travail sera dominé par les femmes diplômées. Elles sont déjà majoritaires à l'école. Le chercheur du Cread estime qu'une vision nouvelle mérite d'être engagée dès maintenant afin de réduire à terme les coûts de l'intervention de l'état, qui risquent de devenir insupportables face aux incertitudes du marché mondial et de l'économie algérienne. M R Nom Adresse email