Photo : S. Zoheir De notre correspondant à Constantine A. Lemili Calme étrangement plat à Constantine à moins de quelques heures du premier match des Verts contre la Slovénie. Calme normal et prévisible, devrait-il plutôt être dit. Les habitants de la ville des Ponts et plus particulièrement les supporters, même parmi les plus inconditionnels, savent désormais que, depuis l'épopée africaine, les choses ont beaucoup changé. En adoptant une attitude très nettement en retrait, comparativement à celle à la limite de la folie constatée lors des rencontres préliminaires, ces mêmes supporters donnent l'impression de se chercher, d'ores et déjà, des moyens d'amortir une cruelle désillusion à l'issue du premier match. Ainsi, le haut fait d'armes d'Oum Dormane (1-0) ou encore l'exploit face à l'équipe de Drogba (3-2), signe des temps, ne sont plus passés en boucle dans les magasins de vente d'équipements électroménagers comme les multiples et divers hymnes à déchirer les tympans chantés à la gloire de l'équipe nationale ne sont plus diffusés des autoradios de véhicules déboulant en trombe ou roulant à un train de sénateur dans les artères populeuses de la ville. En plus clair, si l'ambiance n'est pas à l'inquiétude, elle ne l'est pas non plus à afficher la prétention hors normes vécue à la fin de l'année 2008 et tout au long de 2009 avant chaque match. Monsieur tout-le-monde, qui ne se suffit plus de «l'essentiel est de participer», croise les doigts ; Quant à celui qui «ose» évoquer un pessimisme, il n'hésite pas à affirmer : «L'essentiel, compte tenu des informations que nous avons de nos internationaux via la presse, serait que les adversaires de l'EN n'aillent pas à la compétition en songeant par anticipation au moyen de soigner leur goal-average aux dépens des nôtres.» Chacun, donc, se console comme il peut. Souika, le nombril de la ville, la place de la Brèche, réceptacle de quiconque se trouverait à Constantine, le boulevard Belouizdad ou encore la place de la Pyramide font plutôt grise mine sans pour autant que ceux qui les peuplent s'oxygènent de temps à autre de bouffées d'optimisme, se disant qu'après tout «en football tout est possible» et, forcément, à chacun revient immédiatement en mémoire les exploits réalisés il y a vingt-huit ans en terre ibérique. Autre lieu et autre approche de la rencontre. Au café Royal, point de chute du tout Constantine et dès potron-minet, les «anciens» de la balle ronde, qu'ils jouent ou qu'ils aient joué (les deuxièmes, en plus forte proportion), les personnes qui aiment et connaissent quelque chose si ce n'est beaucoup du football, l'approche est parfois plus docte. Les premiers que le hasard nous a fait rencontrer sont, à leur dimension, ceux qui symbolisent au mieux l'idée même de transcendance de soi, de stoïcisme, de courage, d'abnégation. Ce qui constitue en football, chez les battants… la gnaque. Il s'agit de Samir Benkenida, ancien international, et de A. Debchi, finalistes de la Coupe d'Algérie avec l'extraordinaire équipe corporative du CREC (méga entreprise du BTPH aujourd'hui lilliputienne et en grande difficulté). S'agissant des chances, Debchi, inégalable porteur d'eau des lutins du CREC, a considéré qu'elles «seront vraiment minimes». Il est vite contredit par Abdelhafid Fendi, l'ancienne coqueluche du MOC, qui estime qu'«à ce stade de la compétition, les Verts partent à chances égales avec leurs adversaires», incitant notre premier interlocuteur à contre-attaquer et à reformuler son opinion : «Le problème réside en cette impossibilité pour le coach à aligner une équipe type sur deux rencontres consécutives. Sans remettre en cause les compétences de Saadane, je vois très mal qu'à quelques jours d'un match décisif, la sélection nationale en soit encore aux essais de nouveaux joueurs, l'application de formules tactiques et/ou techniques de jeu. Quoi qu'il en soit et comme nos prétentions qui ne sont que de passer au tour suivant, il faut retenir qu'aujourd'hui l'Algérie dispose au moins, aux deux tiers de l'effectif de l'EN d'une… relève» S. Benkenida abonde dans ce sens : «En de pareils instants, le coach se serait fait insulter pour son discours rationnel sans minimiser la nature difficile de la tâche qui attend Antar Yahia et les autres. Je le dis sincèrement, nous n'avons aucune chance dans l'immédiat, mais il est incontestable que l'Algérie dispose dorénavant d'un potentiel pour peu que les responsables réfléchissent à leur tour à disposer d'un staff technique d'envergure conquérante. Rabah Saadane, que nous respectons et qui est d'ailleurs notre ami, n'est pas la pointure requise en ce sens qu'il a fait état de ses limites. Il n'y a aucun reproche à lui faire à ce sujet dans la mesure où cela est de notoriété internationale même s'il a des qualités dans des domaines que de très grands entraîneurs étrangers n'ont pas. Mais ne dit-on pas que, quelle que soit sa beauté, la plus belle femme ne peut donner que ce qu'elle a.» Pour S. Benkenida, «le coaching, aujourd'hui, ce n'est plus s'installer sur le banc de touche seulement, c'est la gestion du quotidien sous toutes ses coutures, dans tous ses aspects. Or, à notre sens, il me semble personnellement qu'à ce stade de la convivialité il n'y a pas ce que l'on peut qualifier de complicité, voire de connivence entre Saadane et ses joueurs. Vous ne remarquerez jamais cela chez les autres entraîneurs présents en Afrique du Sud ou, du moins, ce cas de figure qui n'est pas spécifique à notre sélection seulement est mieux géré ou mieux pris en charge. Ce qui n'est pas normal non plus, c'est que Saadane, qu'on le veuille ou non et même si cela se fait par intermittence, est à proximité directe ou indirecte de l'EN depuis près de trente ans. Il n'y a personne qui connaisse la maison mieux que lui». Les trois anciens joueurs, qui sont tout autant entraîneurs actuellement, se désolent de «cette ambiance avérée ou fausse qui pollue le mental des joueurs. Certaines informations peuvent être des ragots de journalistes comme elles peuvent stigmatiser de non-dits officiels ou mensonges par omission». Quoique, à ce stade de la compétition, tout cela ne puisse que contribuer à amoindrir les chances des joueurs algériens. Le mot chance revient souvent dans leur bouche mais pas au sens aléatoire de tombola ou loterie mais de celui qui consiste à quantifier les probabilités des camarades de Ziani à envisager un passage au deuxième tour au même titre que les Américains, les Anglais et les Slovènes. En tout état de cause, les Constantinois savent que tout dépendra du résultat du premier match.