Le ministre reconnaît que la protection sociale est un "sujet tabou" qu'il va falloir, un jour ou l'autre, aborder courageusement. Ayant toujours constitué un sujet de controverse, les chiffres du chômage en Algérie ne reflètent toujours pas, semble-t-il, sa dure réalité. Bien évidemment, pour le ministre, "la courbe du chômage a baissé". Ainsi, le taux avancé par l'ONS pour l'année 2011, soit 9,9 %, aurait été, selon lui, corroboré par le Fonds monétaire international (FMI), validateur suprême. Mais au-delà de la fiabilité des chiffres des uns et des autres, la situation actuelle est, convenons-en, toujours aussi préoccupante. Cela dit, il ne s'agit pas, dans le cas d'espèce, de casser le thermomètre mais bien de trouver un remède à cette fièvre du chômage qui prend, de jour en jour, des proportions alarmantes. Pour se faire une idée "empirique" de cette réalité, il suffit, en effet, de faire le tour de n'importe quel quartier populaire... D'un autre côté, l'existence même de multiples initiatives des pouvoirs publics, aussi pertinentes soient-elles, trahissent quelque peu le satisfecit dont s'enorgueillissent nos dirigeants en matière de création d'emploi. Ce qui n'était pas, hier, le cas de l'intervention du ministre qui, notons-le, était dépourvue, une fois n'est pas coutume, de relents démagogiques. Et pour cause ! Etant donné la dimension sociale de l'Etat Algérien, la protection sociale est assurément un "sujet tabou" qu'il va falloir, un jour, aborder courageusement. Le ministre évoquera l'impérieuse "nécessité de la diversification de l'économie dans les 20 ans à venir". Pour l'invité du Forum de Liberté, "l'ère du plein emploi" est, dorénavant, révolue. Il évoque même un seuil de chômage "systémique" qui se situerait, selon lui, autour de 5%. Ce niveau "acceptable" du taux de chômage "à l'échelle planétaire" serait à imputer, selon lui, à une énième "contradiction du système capitaliste". Il rappellera, en effet, que du fait de nouveaux process, les gains de productivité, on les doit davantage, aujourd'hui, au capital et aux choix technologiques plutôt qu'au travail rémunéré. Enfin, la machine offrant l'avantage non négligeable de ne jamais négocier de salaires ni de disposer de syndicats... Quand le FMI sonne l'alerte... Dans son dernier rapport, le FMI a clairement mis en exergue que le coût moyen du travail reste très élevé en Algérie. C'est-à-dire que la productivité du travailleur algérien est en deçà du salaire qu'on lui verse. Le ministre considère ce constat comme tout à fait "objectif". Pour lui, cette inadéquation entre les salaires et la production réelle appelle à une vaste réflexion sur les conditions de recrutement, la place de l'entreprise et de l'investissement dans notre pays. "Le problème soulevé est crucial", avoue le ministre. Il y va de son explication : "On observe qu'en phase de pré-emploi, le travailleur active. Mais une fois confirmé, il travaille beaucoup moins et son rendement se réduit considérablement." Pour lui, si le secteur privé n'a pas suivi l'effort soutenu de l'Etat en matière de création d'emplois, c'est parce qu'"on lui impose des conditions draconiennes", justifie-t-il. Et de poursuivre : "En matière d'application de la loi et en cas de conflit social, le juge donne généralement raison au salarié. D'après l'ONS, il y aurait aujourd'hui 2/3 des emplois en contrat à durée indéterminée (CDI) et 1/3 en contrat à durée déterminée (CDD) alors que la tendance du CDI a disparu à travers le monde. En France, sur 20 millions d'emplois, les 2/3 sont des CDD de moins d'un mois." Le ministre brandira même à ce sujet une coupure du journal Le Monde pour appuyer son assertion. Enfin, pour Benmeradi, il est surtout temps de réhabiliter certaines valeurs : "Il faut donner plus de flexibilité aux employeurs. S'ils ne recrutent pas, c'est qu'ils ne veulent pas prendre de risques supplémentaires. Il faut libérer l'acte de recruter !" Il appelle ainsi de ses vœux à une nouvelle dynamique et à un soutien plus franc aux entités économiques qui recrutent. Le ministre reconnaît ainsi que ce ne sont pas les mesures administratives ou budgétaires qui créeront des emplois mais bel et bien l'activité économique. Pour lui, il y a tout lieu, donc, d'initier des mesures incitatives qui seraient de nature à créer de l'emploi, à "booster" de manière durable le marché de l'emploi et à contribuer à atténuer un chômage endémique. Dès lors que cette nouvelle politique mette l'accent sur l'entreprise et l'entreprenariat d'une manière générale, il est à espérer que les charges fiscales et parafiscales qui vont être ramenées à des niveaux compatibles avec ces objectifs de création massive d'emplois servent véritablement cette "cause nationale". De toute manière, les pouvoirs publics n'ont pas le choix. L'option en faveur de l'entreprise semble cohérente pour la simple raison que celle-ci constitue, à l'heure actuelle, la principale source de création de richesses et d'emplois. C'est donc vers l'entreprise que les efforts des pouvoirs publics vont converger avec pour objectifs d'assurer les conditions de sa croissance et de son développement avec, in fine, des retombées positives en matière d'emploi. Il faut surtout faire comprendre, par ailleurs, aux employeurs qu'ils disposent là d'atouts parmi lesquels, la disponibilité de jeunes compétences algériennes prêtes à en découdre dans la rude bataille du développement. Il faut par ailleurs adopter un langage de vérité parce que la réalité nous rattrape toujours... "Khoubz eddar..." Comme chacun sait, l'Etat étant toujours le plus gros ordonnateur du développement en Algérie, le rythme de croissance des investissements a mis en évidence, ces dernières années, de nombreuses lacunes. L'une d'entre elles est très certainement l'emploi des Algériens. Le ministre du Travail reconnaît, ainsi, lui-même, que l'Algérie, à travers la "commande publique", a importé, à cette occasion, beaucoup de... chômage. Il l'avoue d'ailleurs sans ambages : "Nous avons failli car nous n'avons pas suffisamment tiré profit des grands projets !", s'indigne-t-il. Ainsi, les chantiers gigantesques que le pays a lancés ces dernières années, et auxquels on peut accoler tous les superlatifs, n'ont pas donné (ou si peu) du pain aux enfants d'Algérie. Mises à l'index, non seulement "la main-d'œuvre étrangère" mais aussi "les équipements" qui viennent prendre l'emploi des Algériens. M. Benmeradi ne s'est pas, toutefois, étalé sur l'emballement sans précédent des importations de produits de consommation qui ont atteint, en Algérie, des niveaux inquiétants. Et pas seulement pour l'emploi. Car là aussi, le FMI est d'accord sur le fait que la "préférence nationale" n'est toujours pas accordée ni au travailleur ni à l'entreprise algérienne. S'agissant enfin de la circulaire "Sellal" fixant l'âge légal de la retraite à 60 ans, le ministre reconnaît que, par endroits, elle est "problématique". Ailleurs, avec l'espérance de vie qui a augmenté et les transitions démographiques, la retraite est repoussée à 70 ans et plus. Pour lui, "l'Algérie ne s'arrêtera pas pour autant si ces gens partent. Cette décision a été prise non pas pour résorber le chômage mais pour instaurer plus d'éthique", argumente-t-il. M. Benmeradi révélera, à ce sujet, que ses équipes sont en train de plancher sur la possibilité d'un "revenu complémentaire" et à un "tutorat" qui se résumerait dans un coaching intergénérationnel afin d'assurer la relève dans les meilleures conditions. Il révélera, en outre, que depuis les récentes augmentations salariales, ce sont des vagues entières de demandes à la retraite anticipée qui ont été enregistrées. Aussi, un problème, et non des moindres, semble poindre à l'horizon : l'équilibre financier de la Caisse nationale des retraites. "Il y a 20 ans, nous avions 1 retraité pour 4 travailleurs. Aujourd'hui nous avons 2 pour 4. Sans compter les retraités toujours actifs..." En somme, Benmeradi plaide pour un nouveau modèle économique basé sur "l'énergie humaine" qui sera, finalement, pour l'Algérie, l'ultime facteur de son développement. Cela, tout le monde semble l'avoir compris, même ceux qui nous ont imposé, hier, la gestion socialiste et, aujourd'hui, l'économie libérale. Ou même les deux à la fois ! M-. C. L. Nom Adresse email