La situation globale de Sonatrach justifie-t-elle la mise en place d'une loi sur les hydrocarbures, les conséquences qu'elle entraîne ? Pour les pays développés, la soif de pétrole provient d'un certain sentiment d'insécurité des approvisionnements provenant des grandes zones productives de pétrole et à de bas prix de revient. Ce phénomène n'est pas nouveau, mais il a pris une ampleur nouvelle depuis 1973 avec la crise de l'énergie. Ceux-ci expliquent et légitiment en même temps les efforts qu'ils ont accomplis pour maîtriser les technologies nouvelles qui mènent à l'exploitation du pétrole, même à des coûts élevés dans les bassins sédimentaires du Nord. Dans cette optique, la récupération assistée semble se situer, de manière comparable au pétrole des mers profondes, en terme d'investissement. L'intensité de l'effort d'exploration en mers profondes, exprimée en nombre de forages d'exploration par 10 000 km2 de bassins sédimentaires (excepté forage développement plus nombreux) est de 100 pour l'Afrique, 350 pour l'Europe et 800 pour l'Amérique du Nord. La production moyenne de ces puits en mer du Nord varie entre 5 et 7 000 barils/jour seulement. C'est aussi dans le prolongement de cet état de fait que des efforts d'association en partenariat avec Sonatrach ont été conclus : — le 23 décembre 1995 avec BP pour le développement et l'exploitation des gisements de gaz sec d'In Salah ; — le 28 janvier 1996 avec Total-Repsol pour le développement et l'exploitation du gisement de gaz cap de Tin-Fouyé Tabenkort ; — le 15 février 1996 avec Arco pour l'exploitation du gisement de pétrole de Rhourde El-Bagheul. D'autres types de contrats de recherche en partage de production ont été conclus avant la loi 91-21 avec Anadarko et Agip. Ainsi, le partenariat demeure la meilleure variante pour Sonatrach qui, depuis 1971, a fourni seule tous les efforts d'exploration et d'exploitation. Certes, la grandeur du domaine minier et des considérations fortuites ont conduit à des amendements de la loi 86-14 introduits par la loi 91-21 qui demeure attractive pour le partenariat. Force est de constater que ce partenariat a démobilisé Sonatrach de tous ses efforts antérieurs dans l'exploration et l'exploitation, comme le montrent les statistiques d'une décennie d'exploration. En une décennie d'exploration de 1989 à 1998, la part de réalisation des forages de Sonatrach a chuté de 94,5% en 1989 et à 14,55% en 1998. Ainsi, les puits productifs sont passés de 87,5% en 1989 à 12,5% en 1998. La structure du coût du forage était de 662 000 000 DA en 1990, répartie entre le forage lui-même 40%, le génie civil 7%, la cimentation 12% et 6,5% pour les opérations électriques. L'apport en devises intervient directement dans les opérations électriques réalisées par des sociétés étrangères au détriment des sociétés algériennes, qui ont vu leur marché chuter de 45% en 1989 à 0% en 1998. Il est tout à fait clair qu'il y ait un relâchement prémédité dans toutes les activités de la Sonatrach. Sinon comment expliquer cette déperdition d'énergie au moment où la Sonatrach affiche une aisance financière. En 1998, la Sonatrach s'est dotée de statuts (Journal officiel n° 7 du 15 février 1998), la transformant en une société par actions sans création d'une personne morale nouvelle (article 3). L'objet de la Sonatrach a été élargi à d'autres activités en plus de la prospection, la recherche et l'exploitation d'hydrocarbures. À la lumière des statistiques précédentes, on constate qu'il y a une mauvaise application de cette disposition statutaire, immobilisant ainsi toutes les capacités créatives de ses cadres. Le groupe Sonatrach, sous la direction de M. Abdelhak Bouhafs, s'est doté d'une nouvelle organisation conjoncturelle, conscient que la demande mondiale de pétrole ne cessera d'augmenter. Cette organisation s'articule autour de 3 noyaux (sphères) qui sont : 1 - La présidence : dans le rôle de société mère, assurant les fonctions de pilotage stratégique, de cohérence et d'appui. 2 - Les structures fonctionnelles : assurant la coordination des stratégies, des politiques et des activités en groupe par l'élaboration des instruments de pilotage. 3 - Les structures opérationnelles par métiers, érigées en un ensemble homogène d'activités fonctionnant selon les règles d'une entreprise autonome dans le cadre des objectifs stratégiques de la présidence. Cette organisation a développé un programme ambitieux mais réalisable parce que les compétences existent et les moyens adéquats aussi. Néanmoins, son départ imposé a laissé place au scénario d'une nouvelle loi sur les hydrocarbures. La loi sur les hydrocarbures, très incitative pour les concessionnaires, stipule, dans son article 2, que les réserves doivent être exploitées en utilisant des moyens efficaces et rationnels, afin d'assurer une récupération maximum des réserves d'hydrocarbures, une conservation optimale des réservoirs tout en respectant les règles de protection de l'environnement. Aussi, le contractant est tenu d'appliquer les méthodes permettant de préserver les gisements et d'assurer la récupération maximum des hydrocarbures (article 15). Paradoxalement, son article 7 charge le ministre des Hydrocarbures à veiller sur la valorisation optimale des ressources nationales des hydrocarbures. Les protagonistes de cette loi estiment que l'Etat reprend ses droits de propriétaire du domaine minier, alors qu'il l'a toujours été. Actuellement, les demandes d'attribution de concessions sont adressées et délivrées par le ministre incarnant l'Etat. C'est aussi ce que prévoit cette loi dans son article 7. Les organes de fonctionnement de la Sonatrach sont l'assemblée générale, tous des représentants de l'Etat (5 membres), le conseil d'administration (13 membres) dont la moitié des représentants de l'Etat et le président-directeur général (article 8 des statuts). Certes, les motivations et les objectifs de la loi sont d'attirer le plus d'investissements possibles dans le secteur pétrolier. Mais actuellement, ce domaine ne souffre d'aucun malaise, ni d'éléments rétractifs vis-à-vis des investisseurs. Il serait plus astucieux d'encourager le financement des projets en faveur de la technologie pétrolière, justifié par la position du pétrole et sa stratégie (enjeu). La loi sur les hydrocarbures n'apportera aucun plus à Sonatrach, qui se verra retirer tout son patrimoine relatif aux activités de recherche et d'exploitation sur le domaine minier national en hydrocarbures, comme le stipule l'article 97 de la nouvelle loi. La création de deux nouvelles entités autonomes à savoir : l'Autorité de régulation et Alnaft (article 8), selon cette loi, est un déshabillage délibéré de Sonatrach, aboutissement d'une imagination exubérante engendrant un amalgame sur le secteur des hydrocarbures. Cette nouvelle loi sur les hydrocarbures ne génère aucune valeur ajoutée pour notre pays, car une bonne partie des recettes en hydrocarbures sera ainsi répartie directement entre les nouvelles compagnies (plus de 80). A. B. (*) Ingénieur géophysicien (ex-cadre de la Sonatrach)