En voulant maîtriser la communication autour de l'échéance présidentielle cruciale d'avril prochain ainsi que tout son processus, on en est arrivé à une confusion entre l'état de santé du Président et l'événement politique. Le nouveau séjour du président Bouteflika à l'hôpital du Val-de-Grâce suscite une nouvelle polémique. Polémique surtout sur le lieu à partir duquel sera convoqué le corps électoral. De Paris ou d'Alger ? À l'origine de ce questionnement, les communiqués de la présidence repris par l'APS avant-hier. L'exercice de transparence dans la communication présidentielle, tenté par le biais de l'APS, semble avoir provoqué plus d'interrogations qu'il n'a apporté de réponses. Et c'est la voie ouverte aux doutes et aux spéculations. En effet, le souci de communiquer afin d'éviter les interprétations et la spéculation a donné lieu, cette fois, à un cafouillage médiatique qui a relancé, naturellement, la polémique. Et à force de trop vouloir lever les équivoques, l'APS s'est "plantée" avec des précisions qui tiennent plus de l'interprétation et de la lecture de la Constitution que de l'information. Sans compter l'étrange ordre de la diffusion des trois dépêches relatives au président de la République. En effet, dans la dépêche consacrée à la convocation du corps électoral, l'APS rappelle "le cas de force majeure" contenu dans la Constitution, alors que l'information sur l'évacuation ou le départ du Président en France n'était pas encore disponible selon la chronologie de diffusion. Pourquoi et dans quel but l'APS verse-t-elle dans le commentaire sur un article de la Constitution ? Pour nous faire avaler la possibilité du report de la convocation et parer à l'avance aux éventuelles réactions négatives ? Pourquoi alors évoquer l'article 88 de la Constitution relatif à l'empêchement pour raison de santé d'exercice de la fonction présidentielle ? Ce qui a ouvert grande la porte des spéculations. Le problème est que cela s'est retourné contre le Président et son image. En voulant maîtriser la communication autour de l'échéance présidentielle cruciale d'avril prochain ainsi que tout son processus, on en est arrivé à une confusion entre l'état de santé du Président et l'événement politique. Pour la même journée, l'agence officielle diffuse trois dépêches. La première fait référence à une activité protocolaire du Président qui envoie un message de félicitations au président tunisien. La seconde évoque la convocation, pour aujourd'hui ou demain, du corps électoral avec des références à la loi électorale et à la Constitution. Et la dernière, en fin de journée, pour dire que le Président s'est déplacé en France, depuis la veille déjà, pour un "contrôle routinier". Un vrai désordre en matière de communication. La convocation du corps électoral, par son caractère imminent, est venu naturellement se greffer à cette confusion née de cette communication présidentielle, favorisant, à son tour, une spéculation sur l'état de santé réel du Président. Et des questions légitimes en découlent, forcément. Terminé son contrôle médical, le Président rentrera vendredi (demain), assure-t-on. Mais s'il ne s'en remet pas, que va-t-il se passer ? Signera-t-il le décret à Paris même, comme il a été dit à propos de certains décrets lors de son hospitalisation au Val-de-Grâce en avril-mai 2014 ? Des précisions sont heureusement venues hier pour éclaircir la situation avec les éclairages de Mes Aït Larbi et Ksentini sur le calendrier exact de l'opération électorale. Le Président a jusqu'au 19 janvier pour convoquer le corps électoral. Mais, entre-temps, cette fièvre n'a pas affecté uniquement la presse nationale comme le prouvent les Unes d'hier, mais a également eu, comme d'habitude, son écho en France. Même si la presse de l'Hexagone est restée cette fois discrète, l'hospitalisation de Bouteflika en France n'a pas empêché les médias d'y revenir en y intégrant un vieux contentieux. En effet, sur BFMTV, hier matin, l'Algérie était à l'ordre du jour, et la ministre française de la Santé, Marisol Touraine, invitée sur le plateau, a ressorti le contentieux entre la Sécurité sociale algérienne et la Sécurité sociale française. 600 millions d'euros que doit l'Algérie à la Sécu française. Un vieux dossier qui n'aurait pas été au menu de cette émission si Bouteflika ne venait pas de rejoindre l'hôpital du Val-de-Grâce. Un contentieux que l'ancien ministre du Travail a promis de régler, mais n'a pu aboutir pour des raisons purement bureaucratiques. Et la question pernicieuse va fatalement suivre. Qui va payer les frais d'hospitalisation du président Bouteflika ? Evidemment, c'est l'Algérie. Un forfait, explique la responsable. Ainsi, Bouteflika, malgré ses largesses à l'égard de Paris, est rattrapé par cette "tradition française" qui veut qu'on ne rate aucune occasion pour ouvrir la polémique. Mais la polémique est bel et bien partie d'Alger, par la grâce de la maladroite communication de la présidence. D. B. Nom Adresse email