Derrière l'absence d'enthousiasme dans les rangs de l'opposition syrienne à la conférence de Genève II qui se déroulera à Montreux (Suisse), se profile la rivalité entre Doha et Riyad. La rivalité entre le Qatar et l'Arabie Saoudite sur la Syrie et en général sur le monde arabe n'arrête pas d'alimenter les dissensions au sein de l'opposition qui pourrait rater la conférence de paix qui doit s'ouvrir mercredi. Hier, on ignorait si ces divergences ont pu être surmontées, car c'est la date retenue par les 120 membres de la Coalition nationale syrienne (CNS), qui fédère les différentes composantes de l'opposition en exil, pour se prononcer sur sa participation à la Conférence et désigner sa délégation. Tous les regards étaient fixés sur le Qatar, arrivé en force sur la scène diplomatique internationale avec les fameux "printemps arabes" qui ont perdu de leur superbe, notamment en Tunisie où Ennahda de Ghannouchi a été contrainte de négocier sa survie avec la société séculaire et anti-islamiste et en Egypte où un militaire, le général al-Sissi, va devenir président après avoir sonné la fin de la récréation au pouvoir islamiste des Frères musulmans en juillet 2013. En Turquie, le modèle islamo-conservateur a également volé en éclats. La question est : est-ce que le jeune émir du Qatar qui a mis à la retraite son père au printemps dernier, avec l'approbation de Washington, prendra le risque de se mettre l'Arabie saoudite, la Turquie et les Occidentaux à dos en prônant le boycott de Genève II ? La semaine dernière, 44 membres de la CNS, proches de Doha, avaient claqué la porte à la réunion de l'organisation pour exprimer leur hostilité à une participation sans assurance que leur principale revendication, la chute de Bachar al-Assad, soit prise en compte. Ils protestaient également contre l'élection à la présidence de la CNS d'Ahmed Jarba, qui a le soutien de Riyad. Le rôle trouble du Qatar, qui apporte son aide à des djihadistes syriens, a été condamné dimanche dernier à Paris lors d'une réunion des "Amis de la Syrie", qui s'est déroulée en présence du secrétaire d'état américain John Kerry. Le message était que tout le monde doit soutenir Genève II et cesser d'aider les djihadistes, et le Qatar a été prié de convaincre ses proches du CNS d'aller négocier avec Damas. Il reste que le CNS est vraiment entre le marteau et l'enclume. Ses membres n'attendent guère de concessions de la part de Damas, dont les forces ont le vent en poupe, et n'ont aucune illusion quant à leur revendication principale concernant la mise à l'écart de Bachar al-Assad. Dans ces circonstances, certains évoquent la crainte que leur participation ne porte atteinte à leur légitimité. C'est en partie vrai, mais l'insurrection contre Bachar al-Assad leur a échappé passant entre les mains de mouvements islamistes dénoncés par les populations en otages. Un boycott de la conférence par la CNS ne serait pas du goût de ses parrains internationaux, qui pourraient lui retirer du coup ses soutiens diplomatiques. Les 44 pro-Qatar revendiquent un nouveau président "consensuel", moins dépendant des Saoudiens. Les proches d'Ahmed Jarba eux pensent obtenir des concessions à Genève II via les états-Unis et les "Amis de la Syrie". D. B Nom Adresse email