L'opposition syrienne a finalement accepté, samedi à Istanbul, après des semaines d'atermoiements et de pressions américano-franco-britanniques, de participer mercredi à la conférence de paix de Genève II. Il a fallu auparavant contraindre le Qatar et l'Arabie saoudite d'entrer dans le jeu diplomatique relancé à l'initiative des Etats-Unis et de la Russie. Pour l'honneur, le président de la Coalition de l'opposition Ahmad Jarba, proche de Riyad, a affirmé devant la presse que ces négociations sous l'égide de l'ONU représentée par son médiateur, l'ambassadeur algérien Lakhdar Brahimi, avaient comme unique but de satisfaire les demandes du "printemps de Damas" et avant tout, de retirer au "boucher" Al-Assad tous ses pouvoirs. Il a accusé son régime de faire du "terrorisme d'Etat", affirmant qu'il était responsable de la présence sur le terrain de djihadistes liés à Al-Qaïda, notamment l'EIIL (Etat islamique en Irak et au Levant), que des combats meurtriers opposent depuis plus d'une semaine à la rébellion démocratique. Jarba, selon des observateurs, serait allé vite en besogne, car les données ont évolué en Syrie. Outre le déploiement des djihadistes qui ont réduit considérablement la marge de manœuvre de la branche armée de l'opposition originelle, l'Armée syrienne libre (ALS), la reprise en main par le régime de Bachar Al-Assad n'est pas que de la propagande. Avec l'acceptation du démantèlement de son arsenal chimique sous l'égide de l'ONU, le président syrien est redevenu pour le moins un auditeur aux yeux de la communauté internationale. En plus, Damas marque des points sur le terrain des combats, reprenant une à une les conquêtes de l'opposition et les nids des djihadistes. Néanmoins, Damas contraint à la realpolitik par ses alliés et soutiens, Moscou et Téhéran, s'est dit prêt à des concessions, à des compromis. Cependant, le ministre syrien des AE répète que le pouvoir (syrien) n'ira pas en Suisse pour remettre le pouvoir à qui que ce soit, et qu'il revient à Bachar Al-Assad de mener la transition. C'est le grand point d'achoppement de la conférence, le casse-tête aussi bien pour Moscou que pour Washington. Les Russes souhaitent faire participer également les Iraniens, dans l'espoir de peser plus sur Damas, une perspective que les Américains n'ont pas rejetée catégoriquement, caressant le rêve qu'Al-Assad accepte de s'exiler à Téhéran, avec des garanties pour sa personne et ses proches. On n'en est pas encore là. Il faut attendre Genève II où ses opposants iront en rangs dispersés. En effet, ce n'est qu'au terme de marchandages et de pressions dans le huis clos d'un hôtel de la lointaine banlieue stambouliote que les 58 membres de la Coalition de l'opposition ont voté oui, 14 non, 2 se sont abstenus et 1 a voté blanc. Seuls 75 des quelque 120 délégués de l'opposition modérée au régime de Damas ont pris part au scrutin à bulletins secrets, signe de vifs débats et de désaccords profonds. Il a fallu surtout que la Turquie et le Qatar, mandatés par l'ensemble des parrains occidentaux et arabes de l'opposition, ramènent à Ankara quatre groupes de combattants rebelles syriens, dont le Front islamique, qui ne font pas partie de la Coalition, pour les convaincre de l'utilité de Genève II, et contraindre ainsi l'opposition de l'exil à aller en Suisse. Trois groupes de combattants feront partie de la délégation de l'opposition face aux représentants de Bachar Al-Assad. Les chefs de la diplomatie américaine John Kerry et française Laurent Fabius, présents à Ankara, ont qualifié leur décision de s'asseoir face à un régime dont ils exigent le départ depuis presque quatre années de "courageuse". "Personne ne se fera duper", les a assurés le secrétaire d'Etat américain, menaçant Damas d'une "réponse beaucoup plus forte" en cas de manœuvre de diversion. D. B Nom Adresse email