Cameroun, Tchad, République du Congo, terres d'exil forcé pour les musulmans centrafricains qui représentent plus de 10% de la population. Ils fuient en masse ce qui a pris l'allure d'un génocide. L'ONU avait d'ailleurs averti en début de l'année sur cette descente aux enfers. Son conseiller spécial sur la prévention des génocides, Adam Dieng, avait clairement évoqué le risque de génocide, après sa mission en Centrafrique en décembre 2013. Les musulmans sont en plein dedans avec la folie meurtrière qui travaille les milices anti-balaka (anti-musulman), d'anciens militaires partisans du président François Bozizé, chassé en mars 2013 et qui a mis en place le piège interethnique, et des civils chrétiens armés qui les soutiennent contre d'autres civils en raison de leur religion. Ces anciens militaires ont joué un rôle moteur dans l'organisation d'attaques contre des civils musulmans, qui sont montées crescendo depuis la mise en œuvre de l'opération militaire française début 2013, sous le nom de code Sangaris, sur le modèle de l'opération Serval dans le nord, également française, pour chasser les djihadistes du Sahel saharien. En Centrafrique, il s'agissait de rétablir l'Etat pour éviter la venue de djihadistes. Les anti-balaka et les partisans de Bozizé ont profité de l'arrivée des renforts français pour se déployer dans l'ensemble des 16 provinces du pays afin d'organiser une mobilisation et la chasse aux musulmans. Le processus génocidaire a commencé dans la capitale où avaient afflué les Centrafricains de confession musulmane, pensant bénéficier d'une protection de la part des 1600 français de Sangaris et des 4400 soldats de la mission de sécurité de l'Union africaine, la Misca, placée sous l'égide du général congolais Jean-Marie Mokoko, et qui atteindra fin février 6000 hommes. Bangui est devenu le théâtre d'atrocités indicibles, de crimes contre l'humanité. Tortures, liquidations à la machette, lynchage, mise à mort par le feu, pendaisons, viols, pillages : tout le cauchemar du Rwanda. L'ampleur de la bestialité a provoqué l'exode massif de dizaines de milliers de civils musulmans à Bangui, après avoir fui l'arrière-pays. Sous les insultes de foules chrétiennes en furie, les convois de camions et taxis lourdement chargés de civils musulmans et de leurs biens ont quitté la capitale. Il y en avait tellement qu'on ne pouvait pas les compter, a raconté Peter Bouckaert, directeur des situations d'urgence à Human Rights Watch. Les quartiers musulmans de Bangui, "PK5", sont aujourd'hui vidés de leurs habitants. Les convois escortés par des forces spéciales tchadiennes, des unités d'élite, ont été attaqués par les miliciens anti-musulmans qui ont arraché des passagers pour les lyncher et démembrer leurs cadavres. Pour expliquer ce délit de non-assistance à une communauté entière en danger, les officiers français qui mettent en œuvre l'opération Sangaris racontent que ce sont leurs mesures de cantonnement et de désarmement des anciens rebelles qui ont entraîné des représailles violentes contre les musulmans sans défense. Et d'ajouter qu'ils ne sont pas assez nombreux pour contrôler toutes les zones, et que les forces africaines sont moins bien formées. Des explications rejetées par les musulmans en prise avec la violence génocidaire. A la frontière avec le Cameroun, les Centrafricains musulmans survivants sont 30 000, en République démocratique du Congo plus de 60 000. Autant au Tchad où les réfugiés continuent à se déverser depuis samedi dernier, plus nombreux chaque jour. Ceux qui sont encore à l'aéroport de Bangui attendaient dimanche de prendre la route de l'exil. Bangui s'est vidé de ses musulmans. Avant de partir, ces Centrafricains ont eu le temps de badigeonner sur les ronds-points de Bangui : "Non à la France", "Hollande criminel", "Le président Hollande amène le génocide en RCA". D. B Nom Adresse email