Pour ces juristes, la déclassification des documents "top secret", qui révèlent la véritable ampleur des irradiations, constitue une bonne raison pour remettre en cause la loi Morin qui exclut la plupart des Algériens des indemnisations. Des juristes ont appelé, hier à Alger, le Parlement français à revoir la loi sur l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français en Algérie pour rendre justice à toutes les victimes sans exception et prendre en charge "la décontamination" de l'environnement qui a abrité ces essais. Dans une déclaration à l'APS, le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'Homme (CNCPPDH), Me Farouk Ksentini, a indiqué que la publication, par la presse française, d'une partie des archives des essais nucléaires coloniaux français "interpelle le Parlement français à l'effet de la révision de l'ancienne loi pour indemniser les victimes des essais nucléaires français" car "ces documents prouvent que les dangers de radioactivité sont toujours là". "La loi promulguée par le Parlement français sur l'indemnisation des victimes ne tient pas compte des victimes algériennes de ces crimes, notamment celles qui, dans le sud du pays, ont présenté plusieurs affections et maladies ces dernières années", a-t-il expliqué. "La carte révélée par la presse française a dévoilé les procédés barbares du colonialisme français en Algérie", a estimé l'intervenant pour qui "la France n'a plus d'argument pour justifier le retard pris dans l'indemnisation des victimes de ces crimes en tenant compte de l'impératif de décontaminer l'environnement qui a été le théâtre de ces essais". L'Algérie, a encore soutenu Me Ksentini, "est en droit d'exiger une indemnisation officielle pour ces essais nucléaires, au regard du coût de la décontamination de l'environnement". Pour sa part, l'ancien président de la Ligue algérienne des droits de l'Homme (LADH), Boudjemaâ Ghachir, a mis en avant l'impératif d'une demande officielle pour l'indemnisation des victimes des essais nucléaires coloniaux dans le sud de l'Algérie. "Les indemnisations doivent inclure l'environnement qui a abrité ces essais", a-t-il insisté. "Le dossier des essais nucléaires doit constituer une priorité pour l'Algérie. Il ne doit pas rester seulement entre les mains des juristes et des organisations de la société civile", a considéré M. Ghachir, rappelant la persistance des risques liés aux émanations radioactives. La loi adoptée par le Parlement français relative à l'indemnisation des victimes de ces essais "est injuste" à l'égard de la partie algérienne, tant pour les personnes que pour l'environnement, a-t-il lancé, soulignant que la France détenait des archives "qui prouvent que bon nombre d'Algériens ont été utilisés comme sujets des essais nucléaires". Il a demandé au législateur français "l'amendement de la loi pour rendre justice aux Algériens, tant les personnes qui ont été exposées aux dangers de ces radiations lors de ces essais que ceux qui en subissent encore les effets". Pour sa part, le juriste Hocine Zahouane a souligné que "l'ouverture d'un débat sur le dossier des essais nucléaires coloniaux en Algérie et de nouvelles données constituaient un indicateur positif pour le traitement de ce crime colonial". Le Pr Zahouane a proposé "la formation de commissions spécialisées pour mener une étude sur ces crimes coloniaux". Le quotidien français Le Parisien a publié, dans son édition de vendredi, un document classé, pendant des décennies, "secret-défense", et qui vient d'être déclassifié dans le cadre de l'enquête pénale déclenchée par des vétérans des campagnes des essais nucléaires français dans le Sahara algérien. Il s'agit d'une carte qui révèle que de vastes zones de contamination sont restées secrètes durant des décennies. "Le débat sur le dossier des victimes des essais nucléaires français en Algérie n'est pas encore clos", avait déclaré pour sa part, samedi à Mila, le ministre des Moudjahidine, Mohamed Cherif Abbas. R. N./APS Nom Adresse email