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Entretien avec Amara Benyounès, secrétaire général du MPA
"Le changement par la rue ne sera jamais en faveur de la démocratie"
Publié dans Liberté le 15 - 03 - 2014

Secrétaire général du Mouvement populaire algérien (MPA), Amara Benyounès se présentera devant les Algériens pour défendre le bilan et le programme de Bouteflika pour briguer un 4e mandat. Dans cet entretien, il revient sur plusieurs aspects liés à son engagement auprès du Président-candidat qui l'a désigné, pour la 3e fois, membre de son directoire de campagne.
Liberté : Vous êtes membre du directoire de campagne de Bouteflika. Peut-on connaître votre programme de campagne et surtout les différents axes sur lesquels vous allez défendre sa candidature ?
Amara Benyounès : La direction de campagne sera installée incessamment, donc elle se mettra directement au travail. Comme je l'ai dit plusieurs fois, en tant que parti ayant apporté son soutien au Président, nous allons avoir, contrairement aux autres candidats, deux axes sur lesquels notre campagne sera menée. On va développer l'aspect lié au bilan et réalisations du chef de l'Etat. Ensuite, une partie sera consacrée au projet et au programme qui seront présentés pour les cinq prochaines années. Nous attendons, donc, la décision définitive du Conseil constitutionnel en ce qui concerne les candidatures. Et dès que cette institution rendra sa décision, la direction de campagne sera installée juste après, et nous allons prendre connaissance du programme de notre candidat que nous allons défendre dans toutes les wilayas du pays, sans oublier l'immigration.
Dans tous les discours des partisans de Bouteflika, le mot stabilité revient. L'Algérien veut comprendre comment la stabilité du pays est conditionnée par une réélection de Bouteflika ?
Vous savez, c'est une élection présidentielle. C'est le scrutin le plus important pour le pays, car nous sommes dans un régime présidentiel. Elle est, de fait, le nœud gordien du système politique algérien.
Je ne sais pas quels seront les candidats retenus par le Conseil constitutionnel, mais nous aurons des thèmes de campagne. Au MPA, nous pensons que dans l'état actuel des choses, vu les dangers qui guettent le pays, vu l'instabilité qui règne autour du pays, nous pensons que le plus à même, parmi les candidats, d'assurer la stabilité, la continuité et garantir davantage la paix, c'est Abdelaziz Bouteflika.
Se présenter pour un 4e mandat, même s'est légal vu la Constitution triturée en 2008, paraît aux yeux des Algériens immoral. Bouteflika est aujourd'hui malade et affaibli. L'Algérien lambda se demande qui va réellement gérer à sa place ?
Il y a d'abord une question très importante.
On n'est pas sur le terrain moral. Il se trouve qu'on est sur un autre terrain. Quand on va sur le terrain moral, chacun de nous à sa propre définition de la morale.
Ils ont échoué dans leurs attaques sur le plan politique, et là, ils se rabattent sur la morale. Quand une certaine morale s'ingère dans la politique, on sait où elle peut nous conduire. Nous sommes face à un problème politique, face à une échéance politique, la majorité des gens qui est aujourd'hui opposée à Bouteflika l'était bien avant sa maladie. Cette maladie n'est, en fin de compte, qu'un prétexte. Je vous invite à leur poser la question : si Bouteflika n'est pas malade, seraient-ils pour autant pour sa candidature ? La plupart sont contre Bouteflika depuis 1999, lorsqu'il courait d'un avion à un autre, lorsqu'il visitait tout le territoire national.
À cette époque, ils lui reprochaient son activisme. Ils disaient alors qu'il était trop actif et qu'on le voyait trop à la télévision. Ce sont, aujourd'hui, les mêmes personnes qui lui reprochent le contraire de ce qu'ils disaient avant. En fait, ils sont contre Bouteflika et ils s'opposent à sa politique. Tout cela est leur droit, seulement, ils doivent comprendre que le seul moyen qu'ils ont pour dire ce qu'ils pensent, c'est de se présenter aux urnes le 17 avril pour voter contre Bouteflika et élire leur propre candidat.
Dans toute démocratie, si l'on veut imposer une opinion, c'est uniquement par les urnes qu'on procède. Je leur pose une seule question. Ils disent que Bouteflika est malade, handicapé et qu'il ne peut pas gouverner, alors, pourquoi ont-ils peur de lui ? Ces gens ont peur réellement du choix du peuple. Ils doivent savoir qu'on peut changer tout sauf le peuple.
Dans l'une de vos déclarations publiques, vous avez qualifié les manifestants contre le 4e mandat d'aventuriers, d'antidémocrates. N'est-il pas un droit pour le citoyen algérien de manifester dans la rue et dire librement son opinion ?
D'abord, je dois préciser que j'avais parlé de gens qui veulent nous imposer un choix par la rue, mais je n'ai jamais évoqué ceux qui sont contre le 4e mandat. Ces manifestants sont en effet des aventuriers. Nous avons vu ce que les rues tunisiennes, libyennes et égyptiennes ont produit. En Algérie aussi, nous avons vu ce qu'elle avait produit.
De ce fait, le changement par la rue en Algérie ne sera jamais en faveur de la démocratie et de la République. Il sera au service d'une aventure et d'une impasse politique. C'est pour cette raison que je suis fondamentalement opposé à ce qu'il y ait des manifestations de rue, qui sont, par ailleurs, interdites, parce que contrairement à ce que pensent certains, elles seront comme toutes celles qu'on a vues dans plusieurs pays musulmans.
Les Tunisiens, les Libyens et les Egyptiens ont investi la rue pour réclamer la démocratie et le droit de vote, alors qu'il se trouve que ces droits nous les avons chez nous. Et quant ils parlent de répression, il faut qu'ils soient sérieux. On les voit manifester matin et soir sur les plateaux de télévision. Il faut savoir raison garder. Ils sont contre Bouteflika, ce qui est leur droit le plus absolu, mais dans une démocratie, ils ne peuvent l'exprimer que par les urnes. Pour moi, il y a trois temps dans la démocratie. Le premier est celui du libre débat. Il faut qu'il soit ouvert, démocratique et général. Le second est celui de la décision. Et dans une démocratie, seul le peuple décidera de son choix. Le troisième est celui du respect du choix de ce peuple.
Mais il faut reconnaître, tout de même, qu'on leur interdit de s'exprimer. Ce qui est un déni de démocratie...
Personne ne leur interdit de s'exprimer. D'ailleurs, il suffit de voir les nouvelles chaînes de télévision pour s'en apercevoir. Il n'y a qu'eux qui s'expriment. Toutes les informations relayées par les journaux les concernent et cela dure depuis plus de deux ans. Pour certains d'entre eux, depuis quinze années, ce qui est un droit et un signe de vitalité de la société algérienne. Mais, en revanche, ils doivent respecter les règles de la démocratie, qui sont le choix du peuple, et aussi arrêter de prendre les Algériens pour un peuple immature. En réalité, ils reprochent au peuple de voter mal le 17 avril. S'ils parlent au nom du peuple, qu'ils le laissent s'exprimer le jour du vote. Nous sommes sereins. Nous respecterons le choix du peuple algérien quelle que soit sa décision.
Une de vos déclarations fait le buzz sur la Toile. On vous reproche d'avoir insulté les opposants à Bouteflika. Qu'en est-il réellement ?
Depuis la création de l'UDR et ensuite du MPA, je termine souvent mon discours par une phrase où je dis "Allah yerham chouhada, tahya el Djazaïr", ensuite je dis soit "Inaâl bou li mayhabhach, soit li mayhabnach" (maudit soit celui qui ne l'aime pas, ou celui qui ne nous aime pas).
Cette expression est populaire chez nous. Je ne peux, en aucun cas, insulter ce peuple dont je suis issu. Contrairement à beaucoup, moi je suis un enfant du peuple.
Je suis fils de chahid et je suis né dans le maquis. Je suis fier d'appartenir à ce peuple à qui je dois tout. Nous sommes, au fait, dans une phase de manipulation et d'intox. Je me suis fait insulter par certaines personnes dont je préfère taire leur histoire et celle de leurs parents.
Comment voyez-vous l'après-17 avril, sachant que des acteurs et des observateurs prédisent un scénario catastrophique ?
Au MPA, nous sommes pour le moment concentrés sur le 17 avril. Il faut absolument qu'il y ait un taux de participation important, pour que le futur président ait une légitimité. La campagne doit être des plus démocratiques, des plus constructives et pacifique. Si les Algériens renouvellent leur confiance en la personne de Bouteflika, il se mettra au travail le 18 avril, s'ils choisissent un autre, on lui souhaite bon courage pour qu'il se mette au service de l'Algérie.
Quant à ceux qui prédisent le chaos, je dirais seulement qu'on les a vus en 2011 lorsqu'ils ont tout fait pour faire sortir les Algériens dans la rue. Ils disaient que l'Algérie ne peut être une exception.
Le temps les a démentis et nous avons vu que l'Algérie faisait l'exception. Je leur dis aussi que la haine ne peut pas constituer un programme politique. L'avantage de Bouteflika, c'est qu'il n'a de haine pour personne. On ne peut pas construire avec la haine. Ils ont une haine pour Bouteflika qui a fini par les aveugler. Certains disent que Bouteflika n'a rien réalisé, alors que ces gens ont tout. Il faut voir du côté des Algériens qui ont eu des logements, bénéficié des écoles, de soins, de routes... Nous allons développer tous ces points lors de la campagne.
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