Nécessité de sortie du modèle rentier, discipline et règle d'or budgétaire, élargissement de l'assiette de l'impôt, remise en cause de la règle du 51/49, possibilité de prises de participation d'entreprises algériennes dans des entreprises étrangères, les idées et les alarmes formulées au cours des dernières années par les think tanks nationaux ont fait une entrée remarquée et bienvenue dans le débat économique à l'occasion de la campagne présidentielle. C'est ce qu'on pourrait appeler l'arme des think tanks. Les programmes concoctés par les deux principaux candidats à l'élection présidentielle ne boxent pas dans la même catégorie. L'exploitation des propositions formulées par les think tanks nationaux au cours des dernières années permet, au moins dans la compétition des programmes économiques, à Ali Benflis de battre Abdelaziz Bouteflika à plate couture. Tandis que le staff de Bouteflika met, en quelques pages, au crédit du Président sortant le maintien de la stabilité sociale et politique du pays ainsi qu'un vaste programme de modernisation qui a surtout concerné les infrastructures économiques et sociales en insistant sur la nécessité d'approfondir et d'"intensifier", l'équipe du candidat Benflis livre, dans un document volumineux et détaillé, une copie très travaillée qui dresse un bilan sévère des 15 dernières années et propose une sortie graduelle du modèle rentier qui a la particularité de s'inspirer très largement des constats dressés par les nombreux think tanks nationaux qui ont vu le jour au cours des dernières années. Continuité contre sortie du modèle rentier La continuité est le maître mot du programme du candidat président, qui assure que "la poursuite des programmes et de la politique de Bouteflika permettra de préserver les réalisations acquises et par là même de garantir un meilleur avenir au pays". Les rédacteurs du programme de Bouteflika assurent de façon très significative que "les programmes lancés pour relever les défis du développement à travers la diversification des capacités productives de notre pays et la création d'emplois seront intensifiés". Pour le staff de Bouteflika, le cadre législatif et organisationnel des gestions monétaire, budgétaire, fiscale et douanière, qui a pourtant fait couler beaucoup d'encre au cours des dernières années, est tout juste "à parfaire". Le projet économique présenté par Ali Benflis se donne, au contraire, pour ambition d'engager un processus de "renouveau économique de la Nation et d'inscrire l'économie nationale dans une perspective durable de développement et de sortie de la rente". La vision prônée par le programme Benflis d'une économie diversifiée portée par un "Etat stratège, régulateur, ouvert et pragmatique" ressemble à cet égard comme une sœur aux propositions récentes d'un certains nombre d'experts indépendants ou du groupe Nabni. Elle relève "l'incertitude qui plane sur nos recettes futures d'hydrocarbures, la production n'ayant fait que baisser depuis plus de six années, tandis que le niveau des dépenses de l'Etat a augmenté de manière spectaculaire, accompagné par la croissance vertigineuse des importations et de la consommation interne d'énergie". L'équipe réunie par Ali Benflis dénonce l'"illusion" entretenue par le camp adverse que "notre sous-sol continuera à fournir sans limites les ressources dont nous avons besoin". Le programme ajoute, en relayant les signaux d'alarme actionnés par beaucoup d'experts nationaux, que "l'heure n'est pas aux solutions de facilité consistant à retarder une fois de plus cette échéance de la diversification en rendant la tâche encore plus difficile aux générations futures pour lesquelles il risque d'être, alors, trop tard". Dépenses tous azimuts contre discipline budgétaire Le programme du candidat président ne lésine pas sur la dépense et ne semble manifestement nourrir aucun doute sur la disponibilité future des ressources financières. Il annonce d'ailleurs qu'un plan 2015-2019 est déjà en cours d'élaboration dont les principaux axes viseront à "pérenniser les acquis des plans précédents en assurant la maîtrise de la maintenance et de la gestion des infrastructures déjà réceptionnées". Il propose la poursuite d'une stratégie de dépenses et d'investissements tous azimuts qui permettra, entre autres, de réaliser "un saut qualitatif dans l'aménagement du territoire à travers la réalisation de l'autoroute des Hauts-Plateaux, des liaisons ferroviaires dans le Sud, de transferts d'eau pour une meilleure répartition de la ressource entre les régions, et le développement du transport aérien". Sans oublier non plus, pour faire bonne mesure, la promesse éternellement renouvelée de "résoudre définitivement la question du logement" et d'"accélérer l'investissement dans l'agriculture, l'industrie, le tourisme et l'artisanat". Le programme de Ali Benflis est moins axé sur la dépense et plus soucieux d'économies. Il propose d'"inscrire la programmation budgétaire dans un cadre pluriannuel de moyen terme, qui impose une plus grande discipline budgétaire à l'Etat pour être moins dépendant du niveau des recettes pétrolières". Il insiste également sur la nécessité d'"engager une grande réforme fiscale et budgétaire" dans le but de "ramener la part de la fiscalité pétrolière à 50% du budget de l'Etat d'ici 2019". Les dépenses de fonctionnement "seront stabilisées et leur part dans le PIB réduites. Les transferts sociaux seront davantage ciblés sur les ménages les plus nécessiteux". Autre emprunt aux propositions récentes des think tanks nationaux, le budget de l'Etat doit être établi "sur la base d'un prix du baril correspondant aux prévisions des marchés internationaux en se rapprochant de l'introduction d'une règle d'or budgétaire". Le 51/49 de nouveau en débat Très critiquée par les économistes et les milieux d'affaires algériens, la règle du 51/49 ne fait toujours pas l'unanimité. Le programme du président sortant s'en montre satisfait et annonce que le processus de redéploiement des grandes entreprises du secteur public sur des partenariats avec des leaders mondiaux (comprendre sur le modèle des accords déjà conclus avec Renault, Massey-Ferguson ou Sanofi) sera intensifié. Ali Benflis veut, au contraire, qu'elle soit abrogée "dans les secteurs où cette règle n'a aucune justification économique : industrie manufacturière, transformation agroalimentaire, tourisme, hôtellerie, chimie et certains secteurs de services à haute valeur ajoutée. La limitation de la part du capital étranger sera maintenue dans les secteurs stratégiques". Dans la même veine plus libérale que celle de son concurrent direct, le programme du candidat Benflis entend également "réformer le règlement de la Banque d'Algérie régissant la circulation des capitaux afin de permettre, dans un cadre défini et des critères clairs et transparents, les prises de participation d'entreprises algériennes dans des entreprises étrangères". H. H. Nom Adresse email