C'est la coopération sécuritaire entre les deux pays, la lutte contre le terrorisme, notamment au Sahel, qui se sont taillé la part du lion dans les discussions de John Kerry avec les dirigeants algériens. Ceux qui attendaient que le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, dévoile les motivations de son séjour en Algérie, en plein contexte électoral allant jusqu'à susciter la polémique, auront eu pour leurs frais : on aura droit, comme de coutume en pareille circonstance, à des poncifs et aux rappels des positions classiques des Etats-Unis, maintes fois exprimées par le passé. On en saura rien de la coïncidence de la visite avec le séjour de l'émir du Qatar, de l'appréciation des conditions de préparation du scrutin présidentiel, de l'affaire des écoutes téléphoniques de la NSA, des détenus de Guantanamo, des contestations de l'opposition algérienne, de la coopération militaire, pour n'évoquer que ces questions. Même la conférence de presse organisée jeudi au siège des AE, conjointement avec son homologue algérien, Ramtane Lamamra, semblait avoir été minutieusement préparée puisque la flopée de journalistes accrédités n'aura droit qu'à deux questions : une d'un journaliste algérien et une autre d'un journaliste américain. Et, curieusement, la consœur algérienne désignée nommément par Lamamra pour poser la question n'a pas jugé utile de les interpeller sur des questions gênantes puisqu'elle a axé son intervention sur la coopération sécuritaire et la région du Sahel, du pain béni pour Alger. Pour le journaliste américain, il a préféré interpeller John Kerry sur le processus de paix israélo-palestinien. Voilà pour la conférence de presse expédiée en quelques dizaines de minutes. Sinon, pour la position américaine concernant le scrutin du 17 avril, il fallait se référer à un court passage contenu dans le discours du diplomate américain prononcé peu de temps auparavant à l'ouverture des travaux du dialogue stratégique. "Vous avez une élection ici en Algérie dans deux semaines. Nous espérons une élection transparente et conforme aux standards internationaux. Et les Etats-Unis travailleront avec le président que le peuple algérien choisira afin de concrétiser le futur que l'Algérie et ses voisins méritent. Un futur où les citoyens peuvent jouir du libre exercice de leurs droits civique, politique et humain". Pourtant, ce n'est pas ce qu'a répercuté l'agence officielle, reprise par nombre de journaux, dont la traduction de l'anglais au français a fait désordre et scandalisé nombre d'acteurs politiques. "Nous nous réjouissons de voir le processus de l'élection présidentielle (du 17 avril) se dérouler dans la transparence. Les Etats-Unis travailleront avec le président élu pour le développement des relations et de la coopération entre les deux pays. L'Algérie est un pays qui veille à l'épanouissement de son peuple, de sa société civile". Au pied de la lettre, les Etats-Unis sont satisfaits du processus électoral. Or, il est inimaginable — on l'a déjà vu avec le porte-parole du quai d'Orsay — qu'une puissance comme les Etats-Unis se confonde dans un commentaire dont elle sait qu'il prêtera immanquablement le flanc à diverses interprétations. Même si l'APS se défend d'avoir manipulé les propos de Kerry et dit s'être appuyée sur le traducteur du diplomate et au-delà de ces traductions, cela n'enlève en rien que cette visite, dans le contexte actuel, peut se décliner comme une caution au régime d'Alger. D'ailleurs, Abdelmalek Sellal n'hésite pas lors de ses meetings à brandir la visite de Kerry et de l'émir du Qatar, comme un trophée de guerre à mettre à l'actif de Bouteflika. On peut, à l'évidence, présumer que le diplomate américain est venu s'informer sur la situation à la veille d'une grande échéance électorale. Ses discussions, en tout cas, avec les dirigeants algériens l'ont rassuré et il part satisfait. "Nous avons eu d'excellentes discussions avec les services de sécurité, la justice (...) Nous avons réalisé beaucoup, nous sommes satisfaits", a-t-il déclaré lors de la conférence de presse. Renforcement de la coopération sécuritaire Mais, comme il fallait s'y attendre, c'est la coopération sécuritaire entre les deux pays, la lutte contre le terrorisme, notamment au Sahel, qui se sont taillé la part du lion dans les discussions de John Kerry avec les dirigeants algériens. "L'Algérie, qui a payé un lourd tribut au terrorisme, ne s'inclinera jamais devant ce fléau, un phénomène qui représente une menace mondiale à facettes multiples qui exige une réponse globale et coordonnée", a affirmé, peu avant la conférence de presse, le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, dans son allocution à l'ouverture des travaux du dialogue stratégique. "Le terrorisme ne connaît pas de frontières, n'a aucune croyance, aucune religion et vise toutes les nations. L'Algérie continuera à travailler avec détermination et engagement avec tous (ses) partenaires pour faire obstacle à ce péril et éradiquer ce fléau", a-t-il ajouté. "Nous continuerons à appeler tous nos partenaires à s'impliquer davantage en apportant leur propre expérience, connaissance, partage de renseignements et fourniture d'équipements spéciaux, à chaque fois et où cela est nécessaire", a-t-il encore souligné. Selon Lamamra, notamment concernant la région du Sahel, "le terrorisme, la traite des personnes, le trafic de drogue et toutes sortes d'activités criminelles ont tissé leurs toiles et bâti des réseaux dans la région du Sahel". Pour le reste des questions internationales, il a rappelé les positions classiques de l'Algérie. Pour sa part, John Kerry n'a pas manqué de saluer le "leadership de l'Algérie", "un partenaire important", et son engagement dans la lutte contre le terrorisme. Il a indiqué que les Etats-Unis voulaient travailler en "coordination avec Alger, établir une relation plus solide avec ce pays, et aider à sécuriser les frontières dans la région". "Nous respectons énormément le principe prôné par l'Algérie de non-ingérence dans les affaires internes des pays. Ce principe ne devrait pas constituer un obstacle au lancement de nouvelles perspectives de coopération dans le domaine sécuritaire", a-t-il dit lors de la conférence de presse. "Le terrorisme ne connaît pas de frontières. C'est pourquoi il n'y a qu'un seul moyen pour répondre à cette menace, à savoir la coopération entre les Etats," Pour le diplomate américain, l'Algérie est "un partenaire important" dans la lutte contre le terrorisme, aux plans bilatéral et multilatéral, en relevant "la nécessité de renforcer davantage la coopération pour une meilleure efficacité". "Les pays de la région trouveront toujours, en l'Algérie, un partenaire disponible pour l'échange d'informations ou la formation", reprend de son côté, Ramtane Lamamra, soulignant que "l'Algérie était partie prenante dans tous les efforts visant le renforcement de la lutte antiterroriste". Mais au-delà de la coopération sécuritaire, Alger et Washington se sont engagés à diversifier leur coopération et à l'élargir à d'autres domaines (voir bâti). Sauf un seul : le football. "On peut coopérer en tout, sauf en Coupe du monde où nos deux équipes peuvent s'affronter", a conclu son intervention John Kerry, en diplomate avisé, histoire de titiller l'ego des Algériens. Rires et applaudissements dans la salle. K. K Nom Adresse email