Résumé : Les souvenirs s'estompèrent, car la sonnerie du téléphone résonnait de plus belle. Cette fois-ci, c'est mon cousin Djamil qui vint répondre, et me surprendra assise encore dans le hall. Plus sympa que sa sœur, il me proposera un café. Je rapporte à Djamil les dires de Hanifa sur l'héritage familial. Il sourit : - Hanifa... C'est une imbécile et une égoïste... Elle est comme grand-mère... (Il rit) Ils sont tous comme ça... Narimène, franchement, on te prendrait pour une étrangère dans cette maison, alors que tu es chez toi... - Je t'assure que cela ne me dérange pas de rester là... Je regardais le jardin... Il est magnifique en cette saison... Et puis la maison est tellement belle, tellement propre. - Oui... Maman passe des heures à astiquer partout... Viens, je veux te montrer quelque chose. Il me prend par la main et m'oblige à le suivre à travers le grand corridor du rez-de-chaussée. Il ouvrit la grande porte du salon et la referme derrière nous, avant de m'indiquer un siège : - Assieds-toi là, je reviens. Il sortit par la porte-fenêtre qui donnait sur la courette et le jardin, et revint avec un couple de pigeons dans une jolie cage dorée : - Oh ! Djamil, ils sont fantastiques. - N'est-ce pas... ? Hanifa les trouve horribles, et maman, non plus, ne les aime pas trop... Elle dit qu'ils salissent son jardin, alors qu'ils sont dans cette cage que je nettoie tous les jours. Je m'approche de la jolie cage, et me mets à taquiner les deux oiseaux qui se mettent à siffler des airs enchanteurs. - Ils sont adorables... Si on te fait trop de misères, tu pourras me les envoyer à la maison et j'y prendrai grand soin... Nous aimons tous les oiseaux chez moi. Djamil me regarde : - Je n'ai aucunement l'intention de m'en séparer... Mais si tu veux, je pourrais t'en offrir une paire à la prochaine occasion. - Tu seras un ange... Djamil ressortit avec sa cage, et je me rassois dans mon fauteuil, tout en jetant un coup d'œil autour de moi. Ici et là étaient accrochés les tableaux et les photographies des ancêtres. Grand-mère avait tenu à les garder tous... Il y avait les arrière-grands-parents, les tantes, les oncles, les cousins, les petits-enfants... On aurait pu remplir un musée de tous ces portraits qui ont défié le temps pour atterrir dans ce grand salon, également meublé à l'ancienne. Mon cousin revient avec un plateau qu'il dépose sur la table basse : - Un café ou un thé ? - Un thé et deux sucres s'il te plaît. Il me sert puis rapproche une assiette d'éclairs au chocolat. - Toujours aussi gourmande devant le chocolat j'espère ? Je hoche la tête en souriant : - Ah ! Tu n'as pas oublié... - Qui pourrait donc oublier les après-midi de thé... ? Hein... ? Tu te rappelles mama sur son siège telle une reine, et nous autres autour d'elle ? - C'était une épreuve pour nous tous... Ma mère me faisait de la peine... Personne ne pouvait tenir tête à notre aïeule. - Oui. Elle avait du caractère... Mais vers la fin, elle est devenue franchement gâteuse... Sa tasse de café dans la main, il se lève et s'approche de la grande cheminée : - Regarde donc ces portraits... On dirait que nos ancêtres ont tous été taillés dans le même matériau. - C'est évident... Ils viennent du même aïeul... - Aucun sourire.. Un air froid et un regard sévère et glacial... - Ce sont des Turcs... Ils sont comme ça... - C'est vrai... ? Et moi donc, pourquoi ne suis-je pas comme eux ? - Tu vis à une autre époque, tout comme nous tous. Il soupire : - Narimène, tu feras un bon psychologue... J'ai toujours dit que tu en avais l'étoffe. - Je suis un psychologue en détresse... Je ne pratique pas mon métier... Pis, je suis en train de faire du secrétariat dans une entreprise qui m'exploite sans répit, car elle n'a pas les moyens de recruter du personnel... Tout me revient : l'informatique, la gestion, le classement... Pour un salaire de misère... (À suivre) Y. H. Nom Adresse email