En Algérie, les élections, en général, et l'élection présidentielle, en particulier, ne constituent pas de véritables échéances politiques, dans la mesure où leurs résultats sont préalablement programmés. Cette pratique a fini par éloigner le citoyen de l'urne. Et, a fortiori, de l'engagement politique. La crainte de l'autorité, voire son respect, historiquement intégrée par les vieilles générations, pousse encore des séniors vers le bureau de vote, le jour du scrutin. Mais le reste des votants se rendent au centre de vote pour, généralement, une autre raison que celle d'élire un président qu'ils connaissent déjà. Les milieux rentiers, pistonnés ou subventionnés soutiennent la pérennité du régime qui coïncide avec les intérêts de leur carrière, de leurs affaires et de leurs coteries. Cet aspect clientéliste de la vie politique nationale s'exacerbe en période de campagne électorale. La clientèle politique constitue une société structurée, solidaire et hiérarchisée avec sa chaîne d'autorité et sa division du travail. Sans règles formalisées, excepté celles régissant les comités de campagne officiels, cette société fonctionne selon une chaîne d'autorité et d'obédience précise. Le plus grave étant que, vu que son autorité émane de l'autorité suprême, présente et... future, elle transcende les frontières institutionnelles, comme les réseaux d'autorité légale. Un gouvernement qui se mue en comité de campagne d'un chef d'Etat ne peut qu'imposer sa prépondérance à toutes les institutions et aux organismes publics, jusqu'à en faire des dépendances du centre de décision national qu'il est. Dans la pratique, l'enrôlement des subdivisions régionales et locales et des entreprises publiques est encore plus manifeste. Un directeur général d'une télévision publique ne peut, ainsi, refuser le personnel, le matériel et les archives requis par une télévision "privée" qui promeut l'image du candidat du pouvoir. C'est une véritable restructuration de l'ordre institutionnel qui s'opère le temps de la campagne. Ce qui permet, entre autres, à un bureau de campagne de convoquer des médecins à un colloque... qui s'avère être un meeting de campagne ! Ou de convoquer des chercheurs universitaires, sous prétexte d'un bilan de l'activité de recherche, à un autre meeting électoral, demain, à Oran. Confortés dans le principe, islamique, disent-ils, qui prescrirait que "la guerre est ruse", les promoteurs de la victoire recommencée ne reculent devant aucun obstacle moral dans leur mission consistant à faire croire que leur candidat est massivement soutenu. Et, c'est avec une insouciance crasse que des animateurs de campagne, assumant par ailleurs des responsabilités d'Etat, emploient des enfants pour le collage d'affiches ! Les commissions de supervision noient cette délictuelle pratique dans un regrettable et générique péché d'"affichage anarchique" qui, comme le veut la formule consacrée des observateurs complaisants, serait "sans effet sur le déroulement de la campagne et, surtout, sur le résultat des élections". Mais il est vrai que la campagne est sans effet sur le résultat du scrutin. Et c'est, justement, pour cela qu'elle arbore ce côté onéreux, débridé, excessif et violent. Parce qu'elle veut faire croire à un engouement qui se justifierait avec le score décidé. Qui, lui, ne dépend que de la fraude. M. H. [email protected] Nom Adresse email