Fort de son succès aux élections municipales, le Premier ministre turc, qui lorgne désormais sur la présidentielle d'août prochain, a menacé de faire "payer" ses adversaires. Recep Tayyip Erdogan, qui fulminait mardi, promet ses foudres à son opposition, plus particulièrement, son ennemi numéro Fethullah Gülen, réfugié aux Etats-Unis. La colère du Premier ministre turc a repris, plus violente que jamais avec le rejet par la Cour constitutionnelle de sa décision d'interdire les réseaux sociaux d'internet dans son pays. Première victime de son courroux, le chef de l'opposition agressé au Parlement, juste après les menaces d'Erdogan à la reprise de la session parlementaire. Un vrai pugilat en live sur les chaînes de télévision. "Nous ne reculerons pas à cause d'un coup de poing", a assuré la victime Kemal Kiliçdaroglu, avant d'appeler ses partisans à la retenue. Toujours très irrité par les réseaux sociaux, Erdogan a une fois de plus dénoncé Internet convaincu que "tous les Turcs ont bien compris, comme lui, que les entreprises internationales comme Twitter, YouTube et Facebook sont utilisées comme des instruments pour attaquer la Turquie". Toujours cette main étrangère chez les autocrates. Erdogan a averti : il casserait tous ceux qui continueraient à lui mener la vie dure, avec plus de force maintenant que le peuple lui a renouvelé sa confiance. "Notre peuple nous a donné l'ordre de lutter contre la structure parallèle", a-t-il déclaré. Dans son esprit, l'opposition est assimilée à une structure de gouvernance parallèle. Illustration de cette chasse aux sorcières, huit policiers, dont deux hauts gradés, ont été interpellés et placés en garde à vue mardi au cours d'un coup de filet à Adana. Pour le gouvernement, c'est la conclusion d'une enquête sur des camions transportant des armes destinées à des groupes rebelles syriens. Faux, rétorquent des médias indépendants pour lesquels la motivation de l'opération est l'affaire des écoutes pirates qui ont révélé un Premier ministre au cœur de la corruption. Le chef de l'AKP au pouvoir depuis 2002 a déclaré la guerre à la confrérie du prédicateur Gülen depuis la révélation, mi-décembre, d'un vaste scandale de corruption qui éclabousse son gouvernement islamo-conservateur. Il accuse ce mouvement, très influent dans la police et la justice, d'être à l'origine de ces accusations et d'avoir, depuis plusieurs semaines, inondé Internet de compte rendus d'écoutes téléphoniques compromettantes pour sa propre personne. Tous les coupables de ces écoutes seront poursuivis, a-t-il tonné, appelant les "victimes" à porter plainte contre la confrérie de Gülen qu'il a décrit comme une pieuvre mafieuse. Après avoir ouverts ses hostilités contre l'armée en 2011/2012, la police et la justice depuis 2012, Erdogan essaye de se mettre dans la poche le MIT, le DRS turc. Le Parlement, où l'AKP est majoritaire, débat depuis mercredi d'un projet de loi très controversé en Turquie, qui renforce considérablement les pouvoirs des services secrets turcs, dont le patron, Hakan Fidan, est considéré, selon la presse d'Ankara et d'Istanbul, comme l'un des plus fidèles soutiens d'Erdogan. Le projet, sur lequel le président Abdullah Gül, ex-numéro deux de l'AKP et ex-protégé d'Erdogan, a émis des réserves, doit autoriser le MIT à procéder à des écoutes en Turquie comme à l'étranger sans l'autorisation d'un juge et à disposer de tous les documents relatifs à la sécurité nationale. Malgré des accusations de corruption et un scandale d'écoutes téléphoniques, l'AKP est sorti grand vainqueur du scrutin municipal, à l'issue duquel les islamistes ont recueilli 45% des voix. Mais sitôt les résultats connus, la lutte des républicains, des laïcs, des kémalistes, des nationalistes et de membres de la confrérie de Gülen, a repris plus belle. La tension politique n'a pas baissé, au contraire et la police intervient au quotidien avec des gaz lacrymogènes et des canons à eau. Le parti kurde, BDP (Parti pour la paix et la démocratie) est entré dans la danse protestant lui aussi contre les fraudes de l'AKP, vainqueur des municipales. Dans ce climat, le ministre de l'Energie a été contraint mardi de rejeter les suspicions nées des multiples coupures de courant observées dans plusieurs villes du pays à l'heure du dépouillement des urnes des municipales. Ceux qui ont perdu ne doivent pas se servir des pannes d'électricité pour excuser leur défaite, a réagi Taner Yildiz, qui a expliqué que celle constatée dans certains quartiers d'Ankara avait été provoquée par un "chat" qui aurait pénétré dans un transformateur ! Des recours ont été déposés pour les villes d'Ankara et d'Istanbul revendiquées par l'opposition...Le bras de fer se poursuit donc. D. B Nom Adresse email