Jusqu'à hier matin, la vallée du M'zab, jadis haut lieu du tourisme saharien, avec son marché historique et son architecture classée, était paralysée par la peur née des heurts meurtriers ayant engendré une spirale de violence. Pour cause, deux assassinats sont perpétrés en l'espace de 24 heures à Ghardaïa et Berriane : Benacer Nacer Ben Noureddine, 22 ans, assassiné à Berriane l'après-midi du vendredi, et El-Hadj Chabane Hacène, père de trois enfants, blessé dans des échauffourées à Ghardaïa, a succombé samedi matin à l'hôpital Tirichine. Depuis, c'est toute la région qui est plongée dans une peur profonde. Hier, Ghardaïa était une ville morte. Rideaux baissés, écoles fermées, transport public inexistant et la population est gagnée par une peur indescriptible. En dépit du déploiement de centaines de membres de forces de l'ordre, la vallée du M'zab semble avoir franchi la ligne du pourrissement. En effet, après cinq mois de troubles, la population, saisie par une terreur dont elle ignore les tenants et les aboutissants, pointe du doigt l'Etat pour ne pas être venu à son secours. Les parties antagonistes, elles, continuent à se rejeter mutuellement la responsabilité des regrettables faits. Hier matin, la ville offrait un spectacle de désolation. Dans plusieurs quartiers qui grouillent habituellement de commerçants et de clients, de grandes traces noires s'étalaient sur les façades ocres : commerces brûlés, pneus incendiés. La tension reste palpable et la ville est largement quadrillée par les forces de l'ordre. Plusieurs rues ne sont plus qu'un tas de débris. Dans l'artère principale de Ghardaïa, la rue du 1er-Novembre, majoritairement arabe, les commerces sont fermés en raison des tensions. La dernière vague d'affrontements a fait deux morts, l'un à Berriane, chef-lieu de daïra, à une quarantaine de kilomètres au nord de Ghardaïa, et l'autre tué samedi matin à Ghardaïa. Ceci en plus des nombreux blessés parmi les parties antagonistes. "Après l'arme blanche, l'assassinat par balles a commencé et ceci est une évolution dangereuse et horrible des événements depuis leur commencement", s'alarme le conseil des notables ibadites de Ksar Ghardaïa qui a rendu publique une "demande urgente'' transmise à l'institution militaire pour "l'envoi des forces spéciales afin de mettre fin à la fitna de façon définitive et radicale et la mise en place d'hôpitaux militaires pour la prise en charge des malades". Car, il faut dire qu'il règne un climat des plus délétères à Ghardaïa, cette wilaya du Sud qui ne fait parler d'elle qu'en termes d'affrontements depuis plusieurs mois. Politiquement, la population, dans son immense majorité, refuse d'être sacrifiée sur l'autel d'une confrontation pour se maintenir au pouvoir. Pour l'heure, les citoyens sont préoccupés par l'insécurité et ne pensent pas au vote du 17 avril prochain. "Personne n'ira voter cette fois-ci ! Personne n'ose, désormais, venir nous parler d'élection", nous indique un sexagénaire. À Ghardaïa comme à Berriane, le vote ne constitue pas une préoccupation. Comme pour la plupart des citoyens, la population réclame d'abord la sécurité des personnes et des biens. Economiquement, la situation est catastrophique. La vallée du M'zab ne reçoit plus de touristes. Il faut dire que le conflit prend aussi des accents religieux alors que Ghardaïa est devenue une plateforme de la drogue qui vient du Sahel à destination du Maghreb et de l'Europe. Pour rappel, les premières émeutes qui ont secoué la perle du Sud ne datent pas d'aujourd'hui. Elles ont commencé au début de la décennie 1990 à Berriane. Depuis, tous les cinq ou six ans, la région connaît des accès de fièvre. Mais l'embrasement qui s'est emparé de Ghardaïa à partir du mois de décembre dernier est incontestablement le plus grave. Outre les morts, les destructions de locaux commerciaux, d'entreprises, les déplacements de population sont importants. Et dans les deux communautés. B. A Nom Adresse email