Vendredi 18 avril, lendemain du scrutin. L'ambiance au QG de Ali Benflis ; situé à Benaknoun (Alger), est des plus morose. 15h30 : La résignation Il n y a pas foule dans la permanence. Rien n'indique que les présents attendent avec impatience un « évènement ». Pourtant depuis quelques heures déjà l'ENTV annonçait que les résultats allaient être donnés « aux environs de 15h30 ». La résignation est visible sur tous les visages des militants et sympathisants présents sur les lieux. Même si rien d'officiel n'est venu la confirmer mais la victoire du président sortant est « archi-sûre ». « Dois-je te dire toutes mes condoléances, ou c'est à toi de me le dire ? » lance un jeune à un autre qu'il vient de croiser dans les couloirs du QG. Un autre, cheveux grisonnants, essaye de remonter le moral à un militant en lui tapant l'épaule « souris, ça ne vaut pas la peine d'avoir cette tête, la vie continue malgré tout ». Certains discutaient sur l'absence de plusieurs représentants de Benflis dans les bureaux de vote « alors que leur accord était acquis depuis longtemps ». Un certain entouré par quelques personnes faisait un discours à haute voix pour inciter ses interlocuteurs à ne pas se taire et à faire quelque chose. Un Homme, la soixantaine environ, tiré à quatre épingles, s'est approché de lui en le regardant sévèrement « vous avez un responsable, et c'est Benflis. C'est lui seul qui décide du travail à faire, donc il faut rester sage et suivre ses directives ». Au fur et à mesure que le temps passait, plusieurs visages, plus au moins connues, arrivent au QG. Il y avait des ex-ministres, tel que Abdelaziz Rahabi, Ahmed Attaf, Kamel Bouchama, Aziz Derouaz ou encore Abdesselam Ali Rachedi. Des chefs de Partis, Djamel Benabdeslam, SG du mouvement El Islah, Tahar Benbaibeche, président du parti El-Fedjr El-Jadid, Mohamed Hadef, président du Mouvement national d'espérance (MNE), et quelques figures connues des médias, à l'instar du Professeur Mohamed Adimi. 16h23 : Face à l'écran A deux endroits différents du QG les gens sont scotchés devant la télé branchée sur l'ENTV. La conférence de presse du ministre de l'intérieur et des collectivités locales commence. Au niveau de la salle de presse, c'est le silence. Les journalistes et les nombreux militants de Ali Benflis restent à l'écoute sans mots. Les dix premières minutes du speech sont un récapitulatif que tout le monde écoute attentivement les déclarations du ministre de l'intérieur. Arrive les chiffres. Tayeb Belaïz commence à donner les résultats. En énonçant le nom de Abdelaziz Bouteflika, personne n'a branché. Mais dès que le chiffre de 8 millions a été prononcé par Belaïz plusieurs personnes se sont levés en criant, certains proférent des insultes et d'autres dépités, quittent la salle têtes baissées. De petits groupes se créent dans les différents coins du QG et tous discutent à haute voix des résultats annoncés. Outrés, et très énervés, plusieurs militants commencent à vociférer et à crier à la fraude. D'autres semblent résignés, « les Algériens veulent Bouteflika alors qu'ils se débrouillent avec lui » chuchotait presque, un jeune accoudé au mur, qui semblait perdu au milieu de la foule. Comment ? Pourquoi ? Benflis va-t-il donner « ses » chiffres ? Quelques questions que se posaient les militants et les journalistes qui attendent l'arrivée du vaincu. Le calme règne à l'intérieur et à la sortie du QG. Quand... 17h15 : L'«accrochage» Des voitures passent devant la permanence. Toutes ont des affiches de Bouteflika sur les capots. et certains passagers brandissent avec fierté leur casquettes et teeshirts à l'effigie du « gagnant ». Les klaxons, la musique à fond, font sortir plusieurs sympathisants et militants de Benflis du QG. Ce qui était craint arriva. Les provocations des Pro-Bouteflika font réagir leurs « adversaires ». Au début c'était des insultes avant que ça ne dégénère en échauffourées. La tension laisse place au « défoulement ». Des pierres sont jetées sur les voitures du cortège et c'est la débandade. Des bagarres éclatent entre quelques jeunes, devant les cris de colère. Les véhicules ont beaucoup de mal à quitter la petite ruelle avant de filer en trombe sous les cris « Benflis président ». Le vacarme « disparu » mais la tension est toujours palpable. La conférence de presse n'a toujours pas commencé. 17h40 : Le dépit des militants La salle où doit se dérouler la conférence de presse de Ali Benflis est archicomble. Il y a plus de personnes debout que d'assis. Un des organisateurs prend le micro et invite ceux qui ne sont pas journalistes à rester dehors « pour permettre à la presse étrangère, qui va venir de l'hôtel El Aurassi, de rentrer». Subitement des cris fusent et c'est le brouhaha total. Les militants n'acceptent pas l' « invitation ». L'un d'eux commence à crier « les journalistes n'ont pas aidé Benflis, et ils ont même été contre lui, et nous, qui l'avons soutenu depuis le début, vous nous demandez de sortir ! ». Enervés, certains parmi eux se retournent contre les journalistes présents « vous l'avez traité de tous les noms et maintenant vous voulez qu'on vous laisse nos places ! ». Quelques journalistes répondent avec véhémence, et c'est la cacophonie. Mais elle n'a pas duré longtemps. Le calme revient rapidement. L'arrivée de Ali Benflis au Q.G est annoncée. 17h51 : « Ulac smah ulac » Entrée en fanfare du candidat battu. Tout le monde se lève. Ali Benflis est accueilli avec des cris « Ulac smah ulac ». Il commence son discours mais il s'interrompt rapidement pour demander le silence « c'est toujours les organisateurs qui sont les perturbateurs » dit-t-il sans sourire. Il reprend la parole en s'épanchant sur sa version de la « défaite » qu'il refuse « si j'avais été battu dans une course électorale noble et équitable, je l'aurais reconnu » Il se contentera à la fin de montrer un PV de dépouillement d'une wilaya qu'il ne citera pas « il est signé par les membres d'un bureau de vote alors qu'il n y a dessus ni le nombre de votants ni les noms des candidats ». Une manière de dire que « tout était préparé à l'avance ». C'est en tout et pour tout le seul exemple de fraude concret qu'il donne. Mais qu'en est-il de « ses » 60 000 observateurs éparpillés à travers les régions du pays lors du scrutin ? Où sont « leurs » résultats ? Ali Benflis n'en dira rien. Il terminera son discours à 18h30 sous les applaudissements. Là, on est dans l'après 17 avril. Qu'en sera-t-il du futur, proche et lointain ? La dernière fois qu'il avait animé une conférence, après une élection, Ali Benflis avait « disparu » pendant 10 ans... S.K Nom Adresse email