Les médias russes ont remporté une bataille : Vladimir Poutine a finalement opposé son veto aux amendements à la loi sur la presse, pourtant adoptés sans surprise par les deux Chambres du Parlement après la prise d'otages, fin octobre, dans un théâtre de Moscou. M. Poutine, qui recevait lundi des représentants des médias locaux au Kremlin, a adressé une lettre aux présidents de la Douma (Chambre basse) et du Conseil de la fédération (Chambre haute) afin de créer une “commission de conciliation” qui comprendrait ces représentants pour “peaufiner les formules”. Des formules devenues coercitives du fait de la réaction des autorités russes à la prise d'otages, par un commando tchétchène, dans un théâtre moscovite qui avait fait plusieurs victimes. Le conflit tchétchène est bien sûr la raison — principale — de cet affolement. La loi antiterroriste, adoptée par le Parlement, permet ainsi de poursuivre tout journaliste qui aborde cette question sous un angle “déplaisant”. Les amendements soumis à la signature — finale — de Poutine sont le prolongement de cette loi. S'ils étaient signés, et donc mis en application par le président russe, ces amendements interdiraient aux médias la diffusion d'informations “empêchant la conduite d'une opération antiterroriste” ou “visant à faire la propagande de l'opposition à ce genre d'opération”. Les journalistes russes n'auraient plus eu le droit de publier des informations concernant la technologie ou les armes. Au-delà des risques d'atteintes au libre exercice de la profession de journaliste en Russie, cette polémique pose un problème sérieux et délicat : celui des médias dans des pays en situation de guerre ou de conflit. Après les attentats de New Work et Washington, en septembre 2001, les autorités américaines, le maire de New York (Rudolph Guiliani, remplacé depuis) en particulier avait “demandé” aux médias de ne pas publier les photos des victimes de manière pouvant heurter la sensibilité de leurs concitoyens. Le New York Times, le USA Today, CNN ou NBC ont accédé volontiers à ce vœu. En Algérie, le débat autour de la publication, voire de la médiatisation des actes terroristes a longtemps fait rage. Il n'a jamais été facile de trancher. Cela a en tout cas servi d'alibi aux autorités de l'époque pour limiter de façon arbitraire la marge de manœuvre aux médias. Les suspensions de titres avaient obéi à cette logique. Alors, les journalistes russes ont bien gagné une bataille sur M. Poutine. Une bataille, pas la guerre. L. B.