Déplorant la persistance de "vieilles habitudes" dans les pratiques des services de sécurité marocains, la Haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Navi Pillay, a estimé jeudi que le Maroc avait réalisé de "grands progrès" en la matière, tout en estimant que "beaucoup de travail" restait à faire. C'est dire que le constat de la responsable est loin d'être du goût des responsables marocains. "Le Maroc a fait de grands progrès vers une meilleure protection des droits de l'homme", a déclaré à la presse la responsable onusienne, citant la création en 2004 de l'Instance équité et réconciliation (IER), chargée d'enquêter sur les violations passées. Mais, elle a souligné que "de nombreuses protections promises" par le texte "doivent encore se concrétiser". Dans le même ordre d'idées, elle a fait valoir que "beaucoup de travail reste à faire pour approfondir la culture du respect des droits de l'homme dans toutes les institutions de l'Etat". Evoquant la lutte contre la torture, en notant que des délégations onusiennes avaient récemment fait part de leur "préoccupation", Navi Pillay a appelé à combattre les "vieilles habitudes". "Le roi m'a dit qu'il ne pouvait tolérer la torture sans pouvoir exclure l'existence de cas isolés", a-t-elle relevé, appelant à des enquêtes systématiques. "L'impunité est le combustible le plus puissant pour la violation des droits de l'homme", a argué Navy Pillay. Elle a en outre mentionné comme "source d'inquiétude" la répression de certaines manifestations, citant le cas d'un rassemblement en août dernier contre la grâce royale accordée un temps par erreur à un pédophile espagnol. Même si la liberté d'expression est "généralement respectée", il est "regrettable d'entendre que des journalistes et blogueurs sont visés, se voient imposer des amendes, le retrait de leur accréditation et même des emprisonnements sur la base d'accusations créées de toutes pièces", a-t-elle encore jugé. Mme Pillay a cité le cas d'Ali Anouzla, poursuivi pour "incitation au terrorisme" en raison de la publication sur le site arabophone Lakome d'un lien vers une vidéo d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) appelant au djihad, dans le cadre d'un article consacré à ce document inédit. À noter que Mme Pillay termine une visite de quatre jours à Rabat, la première d'un Haut-commissaire aux droits de l'homme en 13 ans. Elle s'est notamment entretenue avec le roi Mohammed VI ainsi qu'avec des représentants de la société civile. Pour rappel, les principales ONG internationales ont réclamé à plusieurs reprises l'abandon de ces poursuites. Devant la presse, Navi Pillay avait par ailleurs abordé le dossier spécifique du Sahara occidental, une ex-colonie espagnole contrôlée par Rabat mais revendiquée par des indépendantistes (Polisario). Qualifiant d'"encourageant" le rôle des sections locales du Conseil national des droits de l'homme (CNDH, officiel), elle a proposé de leur apporter une "assistance technique". "Mon bureau est chargé de surveiller bon nombre de situations de droits de l'homme à travers le monde et de les évaluer, et nous pouvons assurer un système de surveillance et de suivi (...) indépendant et impartial", a-t-elle dit. Ces dernières années, le Maroc s'est catégoriquement opposé à tout élargissement aux droits de l'homme du mandat de la mission de l'ONU au Sahara occidental (Minurso). Merzak T./Agences Nom Adresse email