Voilà trente-six ans, ce deux juin, qu'est parti Malek Haddad. Ecrivain à la verve poétique, homme attachant et intellectuel aux choix arrêtés, il fut, s'il est besoin de le qualifier, un écrivain profondément algérien. Algérien dans son identité, certes, mais aussi dans cette quête de soi qui le conduira aux questionnements linguistiques de la littérature, qu'il aurait voulu exclusivement algérienne dans son expression ou, du moins, n'empruntant pas une langue que la violence d'une histoire a d'abord imposée. Que n'a-t-on écrit sur ses positions, que n'a-t-on convoqué ? Jusqu'à interroger, dans une démarche quasi psychanalytique, son double prénom. En fait, Haddad fut, quelque part, l'homme des choix imposés ou, plus justement, des choix qu'il s'est imposés. D'abord le choix de l'engagement d'un poète sensible, d'un homme pacifique et ouvert, dans une guerre où la justesse de la cause imposait de prendre parti. Choix dont il n'a eu de cesse d'en développer la problématique à travers ses œuvres romanesques, au point de provoquer quelque sarcasme chez un Lacheraf, par exemple. Ensuite le choix politique d'un écrivain qui s'est montré favorable aux positions qui ont prévalu au lendemain du 19 juin 1965. Un tel choix, qu'on aurait voulu circonscrire à l'appui apporté à un homme, était d'abord celui d'une vision des enjeux socio-politiques de l'époque et de la rupture avec un système de gouvernance remis en cause. Enfin ce choix qui aura fini par accaparer "tout" Malek Haddad aux yeux des autres, celui d'arrêter d'écrire en langue française, ce qui équivalait chez cet écrivain francophone à un véritable suicide littéraire, une annihilation de l'expression créative. Trois choix, trois dimensions d'une vie relativement courte, puisque Malek Haddad partira vers un "vieux mystère", selon sa propre expression que nous empruntons à l'épilogue du "Quai aux fleurs ne répond plus", à l'âge de 51 ans, laissant à la postérité le souvenir d'un homme qui ne saurait se réduire à des choix, particulièrement celui relatif à la langue d'expression, fussent-ils problématiques et nourriciers pour la critique et les travaux universitaires. Oui, Haddad laissera d'abord, sur un plan personnel, en particulier à Constantine dont il est natif, le souvenir d'un homme bon et aimable, le plus souvent souriant, chaleureux et serviable dans ses rapports avec les autres. Haddad laissera, ensuite, le souvenir que matérialisent ses livres chez ses nombreux et divers lecteurs, dont beaucoup de jeunes, d'un grand écrivain, non pas tant par une renommée qui l'aurait porté au pinacle des lieux communs ou une consécration dont l'aurait aisément gratifiée la critique malgré la difficulté de son art, mais par un abord, un style, un monde propre à lui et pourtant si proche de chacun, parce que simple, sincère et profondément humain. D'une écriture fluide, la trame romanesque de ses livres, mais aussi l'alchimie de ses vers poétiques, guide le plus souvent le lecteur vers une source particulière, celle où s'abreuve chacun de nous, celle de l'eternel humain. A. B. Nom Adresse email