Elle prévoit son remplacement par un statut personnel. La ministre déléguée auprès du Chef du gouvernement chargée de la famille et de la condition féminine, Mme Boutheina Cheriet, compte lancer un débat public sur le code de la famille en janvier prochain, sur la base des résultats duquel elle envisage d'installer une commission d'experts qui se chargera d'élaborer un statut personnel en remplacement du fameux code. Invitée hier du quotidien El Moudjahid où elle a fait cette dernière annonce, la représentante du gouvernement Benflis s'est présentée comme une fervente militante des droits de la femme, grandement préoccupée par l'abrogation du code de la famille. À propos de “ce mot infâme” qui lui a arraché un sourire, Mme Cheriet a néanmoins insisté sur la nécessité de parvenir à un consensus autour de cette question. “Il n' y a pas lieu de tergiverser bien entendu. Je ne suis pas une chose: je fais partie d'un gouvernement et d'un programme et la politique est une question de consensus”, a-t-elle indiqué. Explicitant sa démarche, la conférencière a affirmé que le débat autour du code de la famille doit tenir compte de toutes les sensibilités et inclure toutes les parties. “Depuis vingt ans, la rue a certes bougé en faveur de la suppression du code de la famille mais également pour son maintien”, a-t-elle rappelé. La ministre a soutenu à cet égard la nécessité de prendre exemple sur l'Europe qui a effectué sa révolution en privilégiant la concertation et le débat d'idées. Elle s'est aussi référée à la politique globale du gouvernement dans le cadre de la réforme de plusieurs secteurs à l'instar de la justice, l'éducation et de l'Etat. “Rien ne se décide. Tout se discute”, a-t-elle souligné. Pour autant, elle croit déceler le meilleur moyen de contourner les oppositions à la promulgation du “code infâme” en excluant du débat l'idéologie. “C'est aux spécialistes de nous éclairer”, a précisé Mme Cheriet. Par spécialistes, la ministre entend associer à sa démarche les représentants de divers départements et institutions tels que les affaires religieuses et sociales, la justice, le Haut-Conseil islamique, mais également des juristes, des sociologues, des anthropologues et le mouvement associatif. “Tous ces gens-là doivent nous dire si le code doit obéir aux injonctions de la charia. Comment allier les deux et si l'on a en effet besoin d'un statut personnel ?”, a-t-elle expliqué. Au sujet du mouvement féministe dont elle a salué l'apport, l'oratrice a déclaré qu'il faut identifier et rentabiliser tout le travail effectué avant la promulgation du code de la famille en 1984 qu'après. Dans cette optique, elle compte l'exploiter dans le cadre de la politique globale de son département. “Dorénavant, toutes les interprétations misérabilistes de la condition de la femme seront inacceptables”, a-t-elle dit. Faisant valoir son autorité et son engagement à changer les choses, Mme Cheriet a affirmé que son département est loin d'être “un ministère de façade”. Aussi, même si le code de la famille est à ses yeux une question importante, il n'est que “la partie visible de l'iceberg”. Sur d'autres chapitres, la ministre a fait un large inventaire des actions envisagées par son département. S'inspirant d'une logique déductive qui place la femme au centre de la dynamique sociale et se basant de ce fait sur l'évolution de nombreux indicateurs tels que le développement du modèle conjugal, la baisse de la fécondité et l'égalité dans les rapports hommes-femmes, elle a identifié sept volets. Sur le plan de la législation, Mme Cheriet a l'ambition de changer les textes en alignant la législation sur les dispositions de la Constitution. Pour promouvoir le travail féminin, elle dit s'atteler à conférer au travail informel des femmes un cadre organisationnel. La représentante de l'Exécutif entend en outre encourager les microentreprises et rentabiliser le dispositif du filet social. Dans le domaine de l'éducation, des chantiers colossaux à l'instar de l'alphabétisation des femmes et leur formation sur leurs droits, la lutte contre la déscolarisation de la petite fille rurale ainsi que la construction de crèches dans les quartiers défavorisés sont au programme. Cette dernière a dans le domaine culturel pensé à valoriser la culture morale des femmes, à les honorer en distinguant les plus méritantes et à leur consacrer une journée. “Une journée de la femme algérienne”, a-t-elle précisé. Au-delà de cette célébration, les ambitions de la ministre sont infinies. Ciblant aussi la sphère politique, Mme Cheriet aspire à l'institution d'un système de quotas qui puisse permettre à la femme d'intégrer le processus décisionnel. “Bien que nous ayons cinq femmes ministres, au niveau des assemblées municipales, les résultats des dernières élections locales font état d'une régression”, a-t-elle fait remarquer. Y pourra-t-elle réellement quelque chose ? Ou, également, cette question devra-t-elle au préalable être soumise à débat ? Comme pour l'abrogation du code de la famille, Mme Cheriet doit savoir pourtant qu'il y a des urgences qui ne se discutent pas ! S. L.