Madame la ministre déléguée après du Chef du gouvernement, chargée de la Famille et de la Condition féminine, a servi à ses auditeurs une leçon sur l'art de ne rien faire, hier, au Forum d'El Moudjahid. Cinq mois après son installation, madame Boutheina Chériet nous prévient qu'elle n'est pas prête à trancher au sujet du code de la famille mais qu'elle compte d'abord et surtout en parler. Figurez-vous qu'elle projette de lancer un “débat public” sur le problème en janvier prochain. Une fois la question épuisée, si tant est qu'une telle question puisse être épuisée, elle mettra en place une commission d'experts chargée d'élaborer un projet de statut du personnel. “Rien ne se décide ; tout se discute”, c'est la ministre qui le dit. Et si rien ne se décide, et que c'est au débat de trancher par lui-même pour qu'ensuite une commission planche sur un projet, que fait donc le ministre ? C'est tout de même étrange que, chez nous, les derniers à se mouiller ce sont les ministres, les présidents… les décideurs en général. Que m'importe de connaître les conceptions de Benzaghou et des membres de sa commission s'ils n'ont pas le pouvoir de le mettre en pratique, et si les décideurs qui les ont sollicités ne servent qu'à mettre leur travail sous le boisseau. Un débat ? Mais Madame la ministre est instruite — au double sens du terme — du point de vue de chacun, puisqu'elle sait que “depuis vingt ans, la rue a certes bougé en faveur de la suppression du code comme pour son maintien”. Renversant ! Tout le monde sait qu'il y a des Algériens qui sont pour la polygamie, la minorité perpétuelle de la femme, le viol légal, la répudiation, le déni de droit de divorce à la femme, la priorité du mari sur les enfants pour le logement en cas de divorce. Et tout cela est prévu par le code de la famille. Le gouvernement doit s'exprimer sur cet état de fait et non faire des rapports de synthèse de nos débats. Sinon, tant qu'à faire, demandons l'avis de ceux qui se donnent le droit d'enlever des femmes comme butin de guerre. Il paraît qu'en temps de djihad, c'est licite, et je connais des “savants” qui peuvent le confirmer. Ou passons au référendum, comme on l'a aventureusement suggéré pour la question identitaire. Mais en matière de charia, nous l'avons déjà vérifié en décembre 1991. Tout cela rappelle les réformes annoncées par Bouteflika : on en parle encore, trois ans plus tard, mais on n'en voit toujours pas la couleur. C'est véritablement une école d'immobilisme, ce régime. J'ai toujours su qu'un gouvernement, et donc ses ministres, arrive avec un programme de gouvernement et donc des programmes sectoriels ; il n'y a que chez nous qu'on s'installe et qu'on réfléchit après à ce qu'on pourrait faire. Que dis-je, on ne réfléchit pas, on demande à une commission de le faire. Mme Cheriet n'a donc naturellement rien prévu sinon de passer l'an 2003 à deviser sur le code de la famille. Après, ce sera 2004. Il faut que personne ne soit mécontenté d'ici là. “La politique, c'est une question de consensus”. Comme s'il y avait consensus possible entre la monogamie et la polygamie, l'égalité et l'inégalité, la citoyenneté et la non citoyenneté, le droit positif et la charia. Cela ce n'est pas de la politique, c'est de la fuite en avant. C'est de la compromission politicienne. M. H.