Elle prendra la forme d'un statut personnel. Le combat rude des Algériennes pour l'abrogation du code de la famille a-t-il enfin abouti ? C'est du moins ce que suppose l'engagement de la ministre chargée de la Famille et de la Condition féminine à arracher ses concitoyennes à l'avilissement induit par un code rétrograde. Promulgué sous le parti unique en 1984, le code de la famille devrait, si l'on croit Boutheina Cheriet, disparaître et être remplacé par un statut personnel. “Un projet de loi sera présenté au Parlement à la fin du premier semestre”, a-t-elle annoncé vendredi dernier. Invitée de l'émission hebdomadaire de l'ENTV, Ousbou El Djazaïr, la représentante de l'Exécutif a, par ailleurs, révélé la mise en place au sein de son département d'une commission d'experts chargée de préparer la mouture du nouveau texte. “Ce comité regroupe des oulémas, des sociologues, des anthropologues, des juristes…”, a-t-elle précisé. L'hôte de l'Unique a, dans ce sens, indiqué que les personnalités auxquelles est dévolu le rôle d'opérer la révolution des mœurs doivent débattre et arriver à un consensus. “Tout doit être discuté”, a soutenu Mme Cheriet en soulignant toutefois que l'implication des scientifiques dans un tel débat est primordiale. À ses yeux, le plus important aujourd'hui est d'être à l'écoute de la société, de ses pulsions et de ses besoins, mesurer son degré de changement et y répondre. “Le mode de vie a changé. Nous sommes face à un grand processus d'individualisation”, a expliqué la ministre. Condamnant par ailleurs l'interprétation fausse et insidieuse du texte religieux dont s'est grandement inspiré le code de la famille, elle s'est dit outrée par certaines dispositions qui, à l'instar de la polygamie, n'ont pas d'assise historique solide dans notre pays. “Cette pratique antérieure à l'Islam est courante en Orient, mais pas chez nous”, a attesté Mme Cheriet. Pour elle, les rédacteurs de ce code de 1984 n'avaient pas conscience du désastre social qu'ils allaient engendrer en élaborant un texte qui allait jeter à la rue des milliers de femmes. “Lors des débats à l'APN à cette époque-là, il était même question des dimensions réglementaires de la règle avec laquelle le mari peut frapper son épouse”, s'est-elle indignée. En s'attelant à obtenir un consensus, la ministre n'a-t-elle pas peur de voir naître un texte hybride, une sorte de code de la famille bis ? “Certains me reprochent de ne pas être assez courageuse. D'autres m'accusent de vouloir aliéner la société algérienne. Pour ma part, je fais confiance aux experts”, a-t-elle martelé. Sur le plan politique, elle dit avoir le soutien de son parti, le FLN, majoritaire au parlement, pour entériner son projet. Pourtant, c'est ce même parti qui avait, il y a vingt ans, consacré le statut mineur de la femme. Aux yeux de Mme Cheriet, l'ex parti unique a beaucoup changé. Il s'est débarrassé de ses vieux démons et de ses caciques. Seulement voilà, comme pour la réforme du système éducatif, compromise par le forcing des islamistes, il est fort à craindre que la promulgation d'un statut personnel en remplacement du code de la famille fasse l'objet à son tour d'une vaste levée de boucliers. “La société a dit son mot. Nous devons arrêter le massacre”, a insisté Mme Cheriet résolue. Son engagement suffira-t-il à conjurer le sort ? Il y a une année, alors qu'il était encore ministre de la justice, l'actuel secrétaire général du RND, M. Ahmed Ouyahia, avait promis d'en finir avec le code de la famille. Il n'en fut rien. D'aucuns l'avaient accusé d'avoir, avec une telle initiative, voulu appâter l'électorat féminin à l'approche des législatives du 30 mai. Engagé dans l'échéance présidentielle de 2004, le FLN de Benflis et Bouteflika nourrit-il des ambitions similaires en faisant de l'abrogation du code de la famille juste un slogan ? S. L.